Les paris sportifs, un risque de développer une conduite addictive ?

Addict’AIDE vous en dit plus sur un phénomène sociétal et économique, qui prend une ampleur significative à chaque compétition sportive.

Jeux d’argent et de hasard
Paris sportifs risques

L’addiction aux paris sportifs correspond à une situation dans laquelle une personne ne peut pas s’empêcher de parier des sommes d’argent, pouvant être importantes, afin de satisfaire un besoin irrépressible et dont les conséquences sont dangereuses pour la santé à la fois sur le plan physique et psychologique. L’addiction aux jeux d’argent est reconnue comme une maladie par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Certains types de jeux semblent plus addictifs que d’autres et depuis la loi de 2010, qui a ouvert le marché des jeux d’argent et de hasard à la concurrence, la multitude de jeux en ligne accessibles sur les sites internet d’opérateurs participent à augmenter le nombre de joueurs excessifs.

Dans ce contexte, une autorité de contrôle a été créée, une instance dont le rôle est d’encadrer ces pratiques sur le marché, afin de limiter les abus et d’interdire les publicités, qui peuvent encourager des usages « compulsifs ».

Mais qu’est-il réellement ? Sur quelles croyances les opérateurs appuient leurs campagnes marketing pour convaincre des publics vulnérables au détriment de leur santé, de la santé publique ? Quelles sont les actions de sensibilisation déployées par les associations de lutte contre les addictions pour clarifier les discours, relayer une communication plus éclairante, aidante et agir pour qu’une loi vienne enfin poser un cadre plus strict, sans avoir pour vocation à juger les joueurs, ou à interdire totalement ces pratiques ?

Addict’AIDE vous en dit plus sur un phénomène sociétal et économique, qui prend une ampleur significative à chaque compétition sportive.

L’encadrement des paris sportifs : une montée en puissance depuis la loi de 2010, mais une réglementation trop floue.

Cela fait maintenant plus de 10 ans que le secteur des jeux d’argent et des paris sportifs affiche une évolution constante. Pourquoi un tel phénomène ? Sans doute déjà car la loi du du 12 mai 2010, a favorisé l’arrivée sur le marché de nouveaux opérateurs privés. Si le marché s’est ouvert à d’autres acteurs, multipliant ainsi les opérations de marketing agressives, ce n’est pas pour autant que tout est permis et que la dérégulation est optimale. Car en parallèle de cette ouverture à la concurrence, l’ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne) a été créée, avec comme mission d’optimiser la régulation et les contrôles de toute l’offre des jeux sur le web. Pour être tout à fait précis, précisons que l’ordonnance de 2019 est venue réformer cette régulation des jeux d’argent et de hasard. L’ANJ (Autorité Nationale des Jeux) est ainsi née et a remplacé l’ARJEL. 

L’ANJ : rôle et champ d’actions

Cette mutation a entraîné des ajustements dans les missions et les cadres posés, avec une expansion des pouvoirs attribués à cette autorité administrative indépendante : la prévention des jeux excessifs, la protection des mineurs, le maintien de l’intégrité des opérations de jeu. Le rôle de l’ANJ est aussi axé sur un équilibre plus tangible entre les différentes filières de jeu, et bien entendu la prévention des activités dites frauduleuses. Mais dans les faits, et comme aucune loi ne vient à date poser un cadre véritablement strict et formel, les opérateurs s’engouffrent dans ce flou et jouent avec les limites.

« L’ANJ est chargée d’encadrer les bonnes pratiques du marché. Le décret de novembre 2020 interdit toute publicité pouvant inciter une pratique compulsive, et laisser entendre que le jeu peut résoudre des problèmes personnels, favoriser une quelconque réussite sociale. Les publicités qui présentent le jeu tel un levier de subsistance sont interdites. Si le rôle de l’ANJ est de veiller à l’application de ces règles, et d’intervenir dès qu’elle constate des infractions à cette réglementation, dans les faits, c’est plus nuancé. L’encadrement est largement basé sur l’autorégulation, et la bonne volonté des opérateurs. Ce que nous souhaitons c’est un encadrement par la loi, afin que tous ces principes soient fixés légalement et que l’on puisse éventuellement se retourner devant le juge, comme c’est le cas pour les infractions à la loi Évin sur le tabac ou l’alcool » précise Bernard Basset, médecin en santé publique, président de l’Association Addictions France et vice-président d’Addict’AIDE.

Les jeunes, un public plus vulnérable ciblé par les opérateurs de paris sportifs.

C’est l’Euro de football 2024 et dans quelques semaines les jeux olympiques et paralympiques 2024 qui se dérouleront, comme chacun sait à Paris. Une période propice à l’explosion des jeux en ligne et des paris sportifs, avec en ligne de mire pour les opérateurs et leurs relais d’opinion sur internet (influenceurs…), les jeunes, une cible facile, réactive et plus vulnérable.

C’est selon Bernard Basset une cible potentielle qui a un pouvoir d’achat en général plus faible que le reste de la population et qui est donc plus sensible à l’attrait d’un gain immédiat.

Morgane Merat, chargée de missions politiques publiques et cheffe de projet PEPS, un projet expérimental porté par Addictions France dont l’ambition est de favoriser une prise de conscience collective et individuelle face aux risques d’addiction et aux impacts de la valorisation des paris sportifs, souligne :

« La saison des compétitions sportives s’intensifie avec pas moins de 670 millions d’euros d’investissements prévus pour les campagnes marketing par les opérateurs ».

L’Autorité Nationale des Jeux a précisé début 2024 que les opérateurs ambitionnent de capter de nouveaux joueurs. 46 % des investissements médias sont prévus sur les canaux numériques (partenariats avec des influenceurs sur les réseaux sociaux…), avec pour cible les jeunes, plus sensibles à ces stratégies et 6 fois plus susceptibles de développer une addiction.

Une « Loi Evin spécifique aux jeux d’argent » afin d’encadrer de façon rigoureuse et claire les bonnes pratiques liées aux jeux en ligne.

Une loi permettrait en effet d’avoir des définitions plus strictes de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas souligne Bernard Basset. L’intention n’est en aucune façon d’interdire la publicité pour les paris sportifs, mais avant toute chose d’optimiser concrètement une meilleure régulation, tant dans le volume, les contenus, que dans les lieux et canaux de diffusion. Dès lors que la loi pose un cadre formel, un juge peut être saisi quand une infraction est constatée, avec des décisions plus rapides et des sanctions réelles et immédiates, et non des retraits à postériori comme c’est souvent le cas aujourd’hui.

“Des décisions très rapides sont prises en matière d’alcool. Par exemple, Addictions France a fait retirer toutes les publicités du brasseur international Budweiser lors de la Coupe du monde de football en 2022. Ce n’est bien entendu pas encore possible pour les paris sportifs, mais cela devrait l’être et avec une loi Évin étoffée et dédiée, cela serait tout à fait envisageable” – Bernard Basset.

En écho aux effets d’une non-réglementation, Morgane Merat ajoute :

« Rappelons que l’Australie, qui n’a pas suffisamment régulé les publicités pour les jeux d’argent développées au cours de la dernière décennie, rencontre aujourd’hui des problèmes importants d’addictions aux jeux d’argent et un coût social associé ».

Pour en savoir plus sur l’addiction aux jeux d’argent et de hasard, rendez-vous sur https://www.addictaide.fr/jeux-dargent/.

Muriel Gutierrez (Amande épicée)