Les thérapies cannabinoïdes dans la gestion des troubles du sommeil : une revue systématique des études précliniques et cliniques

Cannabis
Le sommeil est un état physiologique indispensable au bon fonctionnement de l’homme, que ce soit sur le plan de la régulation du système immunitaire, de la balance énergétique et du système hormonal. Les troubles du sommeil touchent environ 30 à 35 % de la population générale. Un sommeil de mauvaise qualité, au-delà des conséquences financières directes et indirectes, peut avoir un impact sur l’état de santé avec un risque d’aggravation de certaines pathologies cardio-vasculaire, mais aussi psychiatriques (comme la dépression ou l’anxiété) et de certaines maladies neurologiques chroniques (comme la démence). Les troubles du sommeil sont la première cause de consommation de cannabis à visée médicinale. Le ∆9-Tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD) interagissent avec le système cannabinoïde endogène. Il s’agit d’un réseau neuromodulateur complexe et présent dans l’ensemble de l’organisme qui comprend les récepteurs cannabinoïdes 1 (CB1) et 2 (CB2). Ce réseau semble intervenir dans la régulation veille-sommeil circadienne. Le THC et le CBD semblent agir aussi sur d’autres systèmes neurochimiques pour moduler l’anxiété, l’humeur et le système nerveux autonome. L’efficacité et la sécurité d’utilisation du cannabis à visée hypnotique restent aujourd’hui discutées ne donnant, actuellement, pas lieu à des recommandations de bonnes pratiques.  Une équipe australienne a réalisé une étude en effectuant une revue systématique de la littérature scientifique. Au total, 14 études pré-cliniques et 12 études cliniques ont été incluses dans la revue. Les études incluses évaluaient l’impact de prise de cannabis ou de cannabinoid ayant pour objectif d’évaluer l’impact sur le sommeil. Toutes les études sélectionnées évaluaient l’impact de cannabinoïdes de synthèse, à l’exception d’une qui évaluait l’impact de cannabis illicite. Les études pré-cliniques évaluaient l’impact de cannabinoïdes de synthèse (THC ou CBD) sur le syndrome d’apnée du sommeil, les troubles du sommeil induits par le stress ou la somnolence diurne excessive chez le rat. Pour les études cliniques, elles évaluaient l’impact de cannabinoïdes sur le syndrome d’apnée du sommeil, sur l’insomnie chronique, sur le syndrome des jambes sans repos ou sur la présence de cauchemars en lien avec un syndrome de stress post-traumatique. Le principal résultat de cette recherche systématique est la mise en évidence du manque de preuve et d’études pour confirmer l’intérêt de cannabinoïdes dans la prise en charge des troubles du sommeil. En effet, aucune étude ne comparait la prise de cannabinoïdes vs placebo chez des participants souffrant de troubles du sommeil diagnostiqué. Concernant les résultats pré-cliniques, certains résultats sont intéressants, mais restent à être confirmés chez l’homme. En effet, les études chez l’animal montrent un impact objectivable de l’utilisation de cannabinoïdes sur le sommeil : diminution de la fréquence et de la sévérité des apnées, et amélioration de l’architecture de sommeil, avec diminution de la proportion de sommeil paradoxal et augmentation de la proportion de sommeil lent profond. Aussi, les auteurs de la revue soulignent la présence de nombreux biais dans les études sélectionnées (problèmes de randomisation, de sélection des participants ou du maintien de l’aveugle chez évaluateurs). En résumé, il n’y a pas de preuves publiées à ce jour évaluant les effets des thérapies cannabinoïdes chez les personnes souffrant de troubles de sommeil. Quatre essais randomisés contrôlés contre placebo (allant d’une nuit à des périodes de traitement de 9 semaines) sont actuellement en cours pour administrer soit du CBD seul, soit des combinaisons propriétaires de CBD-THC à des personnes souffrant d’insomnie chronique.  Pierre-Alexis Geoffroy