Monsieur le ministre, ériger les addictions comme priorité de santé publique est un impératif. Et vous avez l’opportunité de marquer votre engagement sur ce sujet en apportant votre soutien au Défi de janvier (une pause avec l’alcool pendant un mois), et à la quasi-totalité des Français qui considèrent l’alcool comme une drogue.
Vous le savez certainement : l’addiction est un sujet qui rassemble les Français, tous les Français qu’ils soient jeunes ou séniors, urbains ou ruraux, femme ou homme : trois Français sur quatre perçoivent l’addiction comme une maladie, qui peut toucher n’importe qui et dont il est difficile de se rétablir. Plus grave, une écrasante majorité considère que cette maladie est en pleine expansion et devrait donc constituer une priorité de santé publique.
Tels sont les premiers enseignements de l’enquête « Le regard des Français et des professionnels de santé sur les addictions » menée par Harris Interactive pour les 10 ans d’Addict’AIDE. Plus de 3 000 personnes (âgés de 16 ans et plus) et plus de 200 professionnels de santé (médecins généralistes, addictologues, psychiatres et psychologues), interrogés fin octobre-début novembre 2024 se rejoignent pour dire que l’addiction n’est ni un vice, ni un acte délinquant et que la première des difficultés est de reconnaitre la maladie et d’accepter d’être aidé.
Et les Français montrent une véritable maturité sur la question des addictions, et une réelle lucidité notamment face à l’alcool, qui est considérée comme une drogue par 84 % d’entre eux, révélant un réel clivage entre les préoccupations de la population et la grande inertie de la classe politique sur le sujet, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la santé publique.
Les Français se disent aussi moyennement informés et relativement démunis face à la maladie. Seul un sur dix estime être informé de manière claire et la majorité, en phase avec les praticiens, estime difficile de parler d’un problème d’addiction à son entourage, et encore plus entre parents et enfants.
Il est urgent de répondre à ces attentes et de lever les tabous, casser les idées reçues par des campagnes d’information, en érigeant les addictions comme un thème prioritaire d’une politique nationale de prévention !
Sur le volet des soins également, la majorité des Français et des professionnels de santé jugent la prise en charge des addictions insatisfaisante et désignent l’Etat comme maillon faible. Ils attendent une mobilisation des pouvoirs publics à laquelle tous les acteurs de l’addictologie sont prêts à contribuer, pour peu que vous les sollicitiez. Nous ne méconnaissons pas les difficultés globales du système de santé en termes de financement, d’accès aux structures ou services spécialisés ou de démographie médicale, mais nous nous tenons à votre disposition pour explorer avec vous concrètement toutes les pistes nécessaires. C’est d’autant plus nécessaire que nous avons de nouveaux défis à relever : la diffusion rapide de la cocaïne, l’arrivée de nouveaux produits de synthèse, des nouvelles pratiques addictives comme les écrans et les jeux d’argent et de hasard.
Monsieur le ministre, ériger les addictions comme priorité de santé publique est un impératif, à condition de mener une politique pragmatique, non moraliste mais basée sur la science, et sur la réalité des consommations
Pr Amine Benyamina, psychiatre addictologue, président d’Addict’AIDE.