Le cannabidiol (CBD) est, en quantité, la deuxième molécule présente dans le cannabis après le tetrahydrocannabinol (THC). Dans la presse grand-public, le CBD est souvent appelé « cannabis light », mais pourtant, rien n’est plus inexacte que cette appellation. Le CBD agit en effet de manière inverse au THC, en bloquant les récepteurs aux cannabinoïdes présents dans le cerveau (les récepteurs CB1), alors que le THC les active au contraire. Cette différence rejaillit sur l’action des deux molécules. Tandis que le THC entraine des effets dits psychodysleptiques, avec des modifications de la perception sensorielle de la réalité, une altération des liens logiques des facultés attentionnelles, le CBD a plutôt un effet anxiolytique et apaisant, et préviendrait certains des effets du THC sur le cerveau. Le CBD a en outre des effets antalgiques, antioxydants, antiépileptiques, et anti-inflammatoires, qui en font un candidat médicament de premier intérêt. Le CBD est déjà produit comme médicament antiépileptique sous le nom d’EPIDIOLEX®. Dans cette revue de littérature parue dans Epidemiology & Psychiatric Sciences, l’équipe italienne de Paolo Bambrilla fait le point sur les indications potentielles pour lesquelles le CBD pourrait être utilisé au cours des prochaines années.
Première cible potentielle au sein des troubles psychiatriques, les troubles psychotiques. Contrairement au THC, qui induit ou exacerbe les symptômes psychotiques, surtout chez les sujets vulnérables, le CBD réduits les délires et les hallucinations, et les premières essais cliniques dans la schizophrénie ont confirmé que le CBD avait des effets antipsychotiques tout-à-fait intéressants. Mais le CBD pourrait aussi avoir des effets antipsychotiques dans d’autres troubles associés à la survenue d’hallucinations ou de délires, comme les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer.
Deuxième utilité potentielle, l’utilisation du CBD dans les troubles anxieux. Le CBD a un effet anxiolytique désormais bien établi. Dans le premier essai clinique l’ayant testé en utilisation unique contre un placebo dans l’anxiété généralisée, a montré une réduction globale des scores d’anxiété, mais aussi une réduction des troubles cognitifs associés à cette pathologie psychiatrique. On ignore toutefois les effets thérapeutiques ou indésirables du CBD lorsqu’il est utilisé au long cours, en particulier si le CBD est pourvoyeur d’addictions ou de phénomènes de dépendance. L’effet anxiolytique du CBD ne serait pas lié à son action sur le récepteur CBD1, mais plutôt par une action autre sur le récepteur 5HT1 de la sérotonine, action découverte récemment.
Troisième intérêt potentiel du CBD, le traitement des addictions. Ici les données sont plus limitées voire plus discutables. Le CBD ne semble pas vraiment efficace dans l’addiction au cannabis. Un certain nombre d’études animales semblent en revanche suggérer que le CBD pourrait être intéressant dans d’autres addictions, comme l’addiction à l’alcool. Enfin, le CBD, qui aurait des propriétés procognitives et anti-inflammatoires, pourraient éventuellement améliorer les troubles cognitifs des sujets atteints de troubles psychiatriques et addictologiques. Mais cela reste encore très hypothétique à ce stade.
Toutes ces applications thérapeutiques potentielles en psychiatrie ne doivent pas faire oublier les nombreuses autres perspectives médicales du CBD, contre la douleur, les maladies inflammatoires, l’insomnie, ou bien sûr dans l’épilepsie. En France, les pouvoirs publics reconnaissent l’intérêt thérapeutique croissant de cette molécule, mais ils restent encore frileux à lui accorder un vrai place de médicament, sans doute en raison de son origine sulfureuse pour le grand public. Le dénominatif de « cannabis light » n’aidera d’ailleurs certainement pas à lever la stigmatisation du CBD, et à faire évoluer son image vers celle d’un traitement sans réel risque psychiatrique connu à ce stade.