La publication le 8 janvier du Plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 (plan MILDECA) 1 , après plus d’un an atermoiement, montre avant tout le
décalage entre des constats élaborés et incontestables sur les défis à relever et la faiblesse des actions proposées pour les affronter.
Sur le fond, une sorte de déclaration de politique générale ne peut occulter l’absence d’engagements concrets, de calendrier de réalisation, de moyens éventuels affectés, ni de critères d’évaluation pour mesurer l’atteinte des objectifs. D’où la pléthore des verbes exprimant des souhaits ou des intentions (renforcer, favoriser, définir, élaborer, renouveler, adapter…), mais nullement des passages à l’acte.
La reprise de la stratégie nationale de prévention, notamment l’accent sur la prévention auprès des jeunes, et des mesures du plan tabac (paquet à 10 euros) sont certes bienvenues et traduisent un effort de cohérence dans les politiques gouvernementales, mais ne constituent en rien des nouveautés.
En revanche, comme redouté, la pression des alcooliers a fini par payer et vider de toute portée les mesures dont toute la communauté scientifique internationale considère
qu’elles sont efficaces pour réduire les risques et les dommages causés par le 2e facteur de mortalité évitable. Ainsi, les engagements publics et anciens sur la visibilité du pictogramme « Femme enceinte » n’ont toujours pas de traduction concrète, l’évolution de l’avertissement sanitaire sur les contenants de boissons alcooliques est également formulée sous forme d’intention, renvoyant aux calendes grecques les véritables décisions.
De manière générale, la responsabilité des comportements addictifs pèse sur les individus et leur entourage, mais aucune contrainte ne viendra gêner un secteur économique qui a pesé de tout son poids au sommet de l’Etat. Ainsi, la publicité pourra se donner libre cours autour des écoles, le marketing des produits destinés à faire entrer les jeunes dans la consommation d’alcool se poursuivra sans limitation, l’incitation à consommer continuera d’inonder internet et les réseaux sociaux.
Sans surprise, la lutte contre la consommation de cannabis entrera dans le cadre de la contraventionnalisation (en cours d’examen au Parlement), un dispositif dont l’efficacité est sujette à forte interrogation, qui risque de rompre le lien entre le système répressif et le système de soins, et est porteur d’inégalités sociales (les amendes sont gérables par les plus aisés qui, de plus, pourront toujours se faire livrer à domicile). On peut regretter qu’au moment où de plus en plus de pays évoluent vers la légalisation, la France reste frileuse, même devant un débat sur le sujet.