C’est la fin d’un tabou français. Pour la première fois dans une campagne présidentielle, quatre des cinq principaux candidats à l’Elysée proposent de faire évoluer la loi du 31 décembre 1970 punissant théoriquement d’un an de prison et de 3 750 euros d’amende la consommation de stupéfiants, quels qu’ils soient. Emmanuel Macron (En marche !) et François Fillon (Les Républicains) veulent sanctionner par des contraventions le simple usage de cannabis, quand Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) et Benoît Hamon (Parti socialiste) vont beaucoup plus loin et prônent sa légalisation encadrée.
Jusqu’à présent, seuls les « petits partis », comme le Parti radical de gauche ou les écologistes, s’étaient aventurés sur ce terrain. Les candidats issus des partis dits « de gouvernement » jugeaient eux qu’il n’y avait que des coups – et des accusations de laxisme – à prendre. Mais en cinq ans, les esprits semblent avoir mûri. De nombreux pays, dont les Etats-Unis – au niveau des Etats fédérés, puisque la prohibition reste la règle à l’échelon fédéral – et bientôt le Canada, ont engagé des réformes majeures sur le sujet. Aujourd’hui, en France, à l’exception de Marine Le Pen (Front national), le statu quo ne paraît plus tenable.
Il faut dire que la loi de 1970 affiche un piètre bilan. Des quartiers entiers sont ravagés par le trafic de cannabis. Malgré l’extrême sévérité du texte, en un peu plus de quarante ans, le produit s’est banalisé. Sa disponibilité sur le marché s’est accrue, et sa consommation est devenue massive. Près de 700 000 Français fument chaque jour des joints. En 2014, 11 % de ceux âgés entre 18 et 64 ans déclaraient avoir consommé du cannabis au moins une fois au cours de l’année écoulée, selon une étude de Santé publique France parue en avril 2015.