DROGUES / Prise en charge des addictions, quelle volonté politique ?

Création des consultations jeunes consommateurs, nouveau plan de lutte contre les drogues et les toxicomanies... Quels sont les moyens mis en oeuvre pour lutter contre les dépendances ? Quelle est la volonté politique pour lutter contre ce problème ? L'avis critique du Pr Michel Reynaud, addictologue.

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Doctissimo : Qu’appelle-t-on « Consultation Jeunes Consommateurs » ?

Pr. Michel Reynaud : Il y a 4 ans le pouvoir politique voulait montrer qu’il faisait quelque chose contre le cannabis et a donc créé des Consultations Jeunes Cannabis. On leur a expliqué que les choses étaient bien plus compliquées, qu’il y avait des problèmes d’alcool, qu’il y avait des problèmes de vulnérabilité, mais ils ont voulu des Consultations Jeunes Cannabis qui ont été assez largement développées.

Elles sont maintenant appelées Consultations pour les Jeunes Consommateurs*, puisqu’on retrouve souvent également des problèmes d’alcool, de médicaments, de malaise psychologique chez ces jeunes qui ont besoin d’aide.

Doctissimo : Comment fonctionnent ces consultations ?

Pr. Michel Reynaud : Il y a des jeunes qui sont envoyés par la justice, et parmi ceux-là, 80 % sont des consommateurs non malades. Ils peuvent avoir des problèmes avec la loi, pour lesquels le rappel à l’ordre et le fait de se retrouver pris dans un système médico-judiciaire suffit à arrêter. Il y en a aussi un certain nombre qui bénéficient, justement par l’envoi par la justice, d’un début de prise en charge. Et puis il y en a qui ne veulent pas être pris en charge.

Globalement cela permet de recadrer un certain nombre de jeunes consommateurs non dépendants, et de soigner un certain nombre de consommateurs à problèmes liés à leur consommation. Finalement, c’est plutôt une bonne chose.

Doctissimo : Les salles d’injection contrôlée de drogue pourraient-elles aider les usagers ?

Pr. Michel Reynaud : Sur un plan purement médical, qu’est-ce qu’on doit faire pour des sujets souffrant de consommation pathologique ? Il y a toute une stratégie de prévention, et lorsque les gens sont des consommateurs pathologiques qui souffrent, on doit les soigner, soigner leur dépendance si on le peut et, s’ils le souhaitent, des conséquences de leur dépendance au minimum. Les salles d’injection, les salles de consommation propre, font partie de la politique de réduction des risques pour un certain nombre de sujets qui ne peuvent ou ne veulent pas arrêter. On a, en tant que médecins, le devoir de les aider à avoir le moins de complications sanitaires possibles et de complications sociales parce que le fait de ne pas être dans la clandestinité limite un certain nombre de risques. Il y aussi des stratégies reposant sur des traitements de substitution qui marchent plus ou moins bien. Mais on sait aussi que lorsque des traitements de substitution sont insuffisants, la délivrance d’héroïne médicalisée est une façon de limiter encore la casse pour ces patients qui ne peuvent ou ne veulent pas se sevrer.

Doctissimo : La prise en charge des addictions s’est-elle améliorée ?

Pr. Michel Reynaud : Il y a eu beaucoup de changements. Au début des années 2000, on laissait ça au médico-social et aux dames d’oeuvre, on luttait contre les fléaux sociaux. Depuis qu’on s’intéresse aux addictions, la prise en charge est devenue plus médicalisée, plus sanitaire et est plus facilement reprise par les hôpitaux et les médecins généralistes. On a au final un système qui peut devenir cohérent, avec une planification possible entre les services hospitaliers spécialisés, les services médico-sociaux de proximité et les acteurs de première ligne que sont les médecins généralistes, qui sont sensés être de mieux en mieux formés. On a les moyens de faire un dispositif de qualité, si la volonté politique continue.

Doctissimo : Cette politique contre les addictions est-elle une priorité ?

Pr. Michel Reynaud : La volonté politique s’appuie sur la perception du public. Nous avons eu un grand mouvement des années 2002 à 2007 sur les addictions. Depuis 3 ans, cela n’est plus une priorité, puisque ce n’est plus un des grands chantiers du Président actuel, alors que c’était un chantier présidentiel avant [présidence de Jacques Chirac].

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