Quelle explication à la perturbation du système de la récompense dans les addictions ?

Dans cet article, les auteurs reviennent sur l’impact majeur des conduites addictives sur la santé et sur l’enjeu que représente ces pathologies dans notre société actuelle. Les données de la littérature retrouvent une prévalence du trouble d’usage de substance de 8,4% (SAMHSA 2014).

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Dans cet article, les auteurs reviennent sur l’impact majeur des conduites addictives sur la santé et sur l’enjeu que représente ces pathologies dans notre société actuelle. Les données de la littérature retrouvent une prévalence du trouble d’usage de substance de 8,4% (SAMHSA 2014). Elle est évaluée entre 1 et 3% pour le jeu pathologique. L’hypothèse physiopathologique des comportements de dépendance le plus communément admise est celle d’un dysfonctionnement des voies de la récompense cortico-striatales, mais les données de la littérature sont hétérogènes en ce qui concerne les profils d’activation des neurones dopaminergiques dans ce contexte. Plusieurs théories tentent d’expliquer ce phénomène.

 

Celle du Syndrome de déficience de la récompense postule qu’il existerait un déficit général dans le recrutement des voies de récompense cérébrales induisant une hypo activation chronique des circuits et donc une diminution du plaisir provoqué par les récompenses. Cela pourrait expliquer l’existence de consommations de substances psychoactives pour compenser cette carence et stimuler les centres de la récompense

 

La théorie de l’impulsivité présuppose une hyper réactivité du système de la récompense qui induirait une forte réponse au stimuli plaisants. Cela pourrait alors inciter à une augmentation de la recherche de nouveauté, de l’impulsivité et de la motivation à obtenir des substances.

 

Enfin, la théorie de la sensibilisation motivationnelle (ou incitative) évoque l’hyper activation dopaminergique liée à la consommation de substance psychoactive et le passage du « liking » au « wanting » dans le processus addictif. Cela conduirait à une augmentation de la motivation à consommer la substance au fil de la répétition des expositions, et provoquerait au niveau cérébral une augmentation relative des réactions du Striatum Ventral aux stimuli liés au produit avec en parallèle une réduction relative de ces réactions aux stimuli non liés à la drogue dans les troubles d’usage de substance (stimuli monétaires par exemple).

 

Afin de repérer la théorie la plus pertinente, les auteurs ont donc réalisé une méta-analyse d’études en Imagerie par Résonnance Magnétique Fonctionnelle (IRMf) cerveau entier en comparant des sujets dépendants et contrôle. Ils ont en particulier étudié la période d’anticipation de la récompense et la période de récompense elle-même. Ils ont sélectionné vingt études avec un total de 643 sujets dépendants et 609 sujets témoins.

 

Lors de l’anticipation de la récompense (A), ils retrouvent une hypo activation bilatérale du striatum chez les sujets dépendants, chez les patients usagers de substances et joueurs pathologiques. Alors que lors de la réponse à la récompense, ils observent une hyper activation du striatum ventral chez les sujets dépendants, surtout attribuable aux patients atteints de trouble d’usage de substance (hyper activation du striatum ventral). Il ne retrouve en revanche pas de différence significative chez les joueurs pathologiques pour le striatum ventral, mais une hypo activation du striatum dorsal.

 

Ces résultats ne leur permettent pas de valider une des 3 hypothèses précédentes. Les auteurs évoquent donc une quatrième théorie, celle de l’apprentissage par différence temporelle qui est une forme d’apprentissage par renforcement où à l’aide d’une estimation temporelle, le sujet va chercher à prédire le temps d’arrivée de la récompense. L’hyper activation striatale serait observée en réponse à des récompenses inattendues, reflétant ce que l’on appelle les erreurs de prédiction de récompense (ce qui favorise l’apprentissage). L’activation striatale devenant in fine le signal prédisant la récompense

Une activation striatale anticipatoire réduite dans les troubles d’usage de substance pourrait refléter un déficit d’apprentissage (par rapport aux joueurs, dans le cadre d’une récompense monétaire)

Cette méta-analyse permet donc de faire la synthèse de nombreuses études d’IRMf avec toutefois les limites propres à cette technique. Elle ne permet cependant pas de conclure pleinement sur ce sujet, et d’autres études devront explorer cette thématique en tenant compte notamment des comorbidités psychiatriques en ce qui concerne les traitements, et de l’ancienneté de la dépendance.

Par Julien Cabé 

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