Qu'est-ce qu'une addiction ?

1. Présentation générale

L’addiction se caractérise par :

  • l’impossibilité répétée de contrôler un comportement visant à produire du plaisir ou à écarter une sensation de malaise interne
  • la poursuite de ce comportement en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives

On parle d’addiction :

  • lorsque le besoin l’emporte sur le désir
  • lorsque la sensation remplace l’émotion et la relation
  • lorsqu’un produit ou un comportement envahit le champ des plaisirs possibles et devient prioritaire et impérieux pour obtenir du plaisir ou apaiser une tension
  • lorsque la passion l’emporte sur la raison

Aujourd’hui, en 2016, le terme d’addiction est assimilé par la société, et l’addictologie est devenue une spécialité médicale et universitaire.

De très grands progrès ont été faits dans la connaissance des mécanismes neurobiologiques, permettant une bien meilleure compréhension du fonctionnement psychologique. Les facteurs de vulnérabilité individuels et sociaux sont de mieux en mieux connus. Et cet ensemble permet de proposer des stratégies de prise en charge, comme  une organisation du dispositif de soins de plus en plus performante. De nombreux médicaments sont également en train apparaître.

Toutefois la perception sociale et politique n’est pas à la hauteur de la gravité des problèmes. Et, si tous les acteurs sont en phase pour une réduction pragmatique des dommages, les politiques publiques sont insuffisantes sinon parfois contradictoires, car le plus  souvent inspirées par des représentations idéologiques. Ce travail d’appropriation des connaissances scientifiques par la société, s’appuyant sur les associations de patients, nous parait être l’enjeu des prochaines années. Il sera nécessaire pour que les politiques puissent être plus efficaces.

Mais tout consommateur n’est pas nécessairement addict et tous les dommages de consommation ne sont pas liés aux addictions.

Un peu d’histoire…

Le passage, au début des années 2000, de la notion de toxicomanie et d’alcoolisme à celle d’addiction a profondément changé la façon de penser, le traitement et l’organisation des soins de ces troubles.  Alors qu’auparavant on mettait en avant le produit, on étudie d’avantage aujourd’hui le comportement de consommation et le contexte dans lequel il se déroule.

Tout consommateur n’est pas addict.

  • La consommation des produits commence d’abord par du plaisir

La consommation de chacun des produits (ou l’adoption de comportements) susceptibles d’entraîner une addiction donne d’abord du plaisir.

La consommation du produit permet aussi le soulagement de tensions et de souffrances personnelles, notamment émotionnelles ou relationnelles.

Enfin, la consommation du produit renforce le sentiment d’appartenance à un groupe, et contribue à se reconnaître dans l’identité de celui-ci : on consomme comme son groupe  social, et le produit est souvent le symbole du groupe social.

Il est donc nécessaire de tenir compte de ces dimensions de plaisir pour comprendre, écouter, soigner, accompagner et même réglementer.

  • Mais il peut y avoir, pour certains, une évolution progressive vers la dépendance

Pour le public mal informé, tout consommateur de drogues illicites est « toxicomane », sous-entendant ainsi qu’il est dépendant. Or de nombreux usagers de drogues licites ou illicites ne sont pas dépendants : si la plupart des consommateurs d’héroïne (comme d’ailleurs les fumeurs de tabac), sont dépendants, ce n’est pas le cas des usagers de cannabis. En effet le pourcentage d’usagers dépendant du cannabis est à peu près le même que celui des consommateurs dépendants d’alcool (moins de 5% des consommateurs).

Aussi, un grand nombre de consommateurs ne se considèrent pas comme malades (à juste titre pour une partie d’entre eux) : la consommation du produit, licite ou illicite, fait partie de leur vie, et est parfois un élément identitaire difficile à abandonner.

Il est important de modifier ces représentations en « tout ou rien ». La notion d’addiction, son installation progressive et sa gravité très variable permettent de les nuancer et de mieux en saisir la complexité.

Tous les dommages des consommations ne sont pas liés à l’addiction

Il y a longtemps eu une confusion entre la dépendance et ses dommages. Médicalement et socialement, il y avait, par exemple, une assimilation des dommages liés à l’alcool à l’alcoolisme. Or, les dommages liés à la consommation d’un produit peuvent se produire avant la dépendance à ce produit, notamment les dommages aigus.

Toutefois les dommages sont majoritairement liés aux pratiques à risque. Et ce d’autant plus que les prises de risque sont répétées. Et parallèlement, l’addiction – la dépendance – s’installe du fait de la répétition des usages à risque.

Pour des raisons pédagogiques – pour faire prendre conscience de la continuité dans la gravité des conduites et des conséquences – nous intégrerons les pratiques à risque et leurs conséquences dans le champ de l’addiction ; la prévention de ces conduites à risque diminuera à la fois les addictions et les dommages qui y sont liés.

Par exemple, la mortalité routière liée à l’alcool n’est le fait de sujets dépendants que dans le tiers des cas. Mais la mortalité restante est liée aux consommations à risque et à l’abus.

2. Les définitions médicales 

On distingue classiquement deux types de dépendance : une dépendance psychique et une dépendance physique. Les symptômes en sont différents, et les traitements qui doivent être mis en place pour les soigner peuvent aussi varier.

 « L’impossibilité de s’abstenir de consommer » Pierre Fouquet

La dépendance, qui se confond avec l’addiction, c’est essentiellement la dépendance psychique, plus cruciale que la dépendance physique : elle pousse à consommer à nouveau et mène à la rechute.

Il est commun de distinguer :

  • la dépendance psychique définie par le besoin de maintenir ou de retrouver les sensations de plaisir, de bien-être, la satisfaction, la stimulation que la substance apporte au consommateur, mais aussi d’éviter la sensation de malaise psychique qui survient lorsque le sujet n’a plus son produit (le sevrage « psychique »). Cette dépendance psychique a pour traduction principale le craving ou recherche compulsive de la substance, contre la raison et la volonté, expression d’un besoin majeur et incontrôlable que l’on pourrait traduire familièrement par « j’en crève d’envie ».
  • la dépendance physique définie par un besoin irrépressible, obligeant le sujet à la consommation de la substance pour éviter le syndrome de manque lié à la privation du produit. Elle se caractérise par l’existence d’un syndrome de sevrage (apparition de symptômes physiques en cas de manque) et l’apparition d’une tolérance (consommation quotidienne nettement augmentée).

Les classifications internationales actuelles insistent sur l’approche dimensionnelle de l’addiction (DSM5) : le sujet présente une addiction plus ou moins grave, selon le nombre de symptômes présentés dans une liste de 11 items regroupant l’abus et la dépendance.

Cette nouvelle approche, dimensionnelle, permet de justifier l’utilité d’interventions et de programmes de soins gradués, allant de la simple intervention brève à la  prise en charge globale médicopsychosociale. Elle justifie également les stratégies thérapeutiques allant de la simple réduction de consommation à l’abstinence.

 

Trouble de l’usage de substance – Addiction

schéma gravité de l'addiction

 

 

 

 

 

 

 

 

Les schémas ci-dessus illustrent le passage d’une classification en catégories d’usage (abus/usage nocif et dépendance) à une classification par gravité progressive (de modérée à sévère)

 

Un test a été mis en place, à partie de ces critères, pour évaluer la gravité de l’addiction.

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