Roman / “Corruption“ de Don Winslow

Autres drogues

L’auteur américain Don Winslow est un spécialiste du genre. Connu pour ses deux romans fleuves, “La griffe du chien“ puis “Cartel“ qui confrontent le même agent fédéral au même chef de cartel (qui pourrait bien être El Chapo Guzmann), il nous propose ici un aussi long roman, publié aux Editions Harpers Collins, qui nous plonge lui dans la corruption des forces de police new-yorkaise confrontées au trafic de drogues local.

Le Département de Police et la ville de New-York ont décidé de créer il y a quelques années une force d’intervention de terrain chargée de lutter contre les gangs qui tiennent le trafic de stupéfiants du Nord de Manhattan, à savoir essentiellement le nord de Central Park, c’est à dire Harlem. Une héroïne pure à 60%, appelée Dark Horse, y circule, vendue par un gang à la tête duquel sévit Diego Pena, Dominicain considéré comme le “King de New York“. La Task Force de Manhattan North, appelée The Force (titre du roman en anglais) est donc missionnée pour combattre le deal et les dealers, et ce sous la direction d’un certain Denny Malone, chef du département ayant une petite vingtaine d’années de service, et dont les méthodes, loin d’être orthodoxes, lui permet de faire sa loi dans le secteur. Avec ses coéquipiers, Bill Montague dit Big Monty, Phil Russo et le jeune Billy O’Neill, ils règnent sur le nord de Manhattan et savent se faire respecter car sont prêts à se salir les mains. La corruption est présente au quotidien et permet d’arrondir ses fins de mois sans que ça atteigne des montants gigantesques. Jusqu’au jour où une descente dans un laboratoire de fabrication d’héroïne permet à la brigade d’exécuter Diego Pena et par la même occasion de saisir 100 kg de produit dont 50 kg seront discrètement mis de côté par la brigade qui les cache en vue d’une revente ultérieure qui permettra d’assurer leur retraite et le bien-être de leurs familles respectives. Il ne s’agit plus alors ici de corruption à la petite semaine mais bien de cinq millions de dollars de revenus potentiels.

Bien entendu, le FBI a des doutes sur l’honnêteté de la brigade et enquête. Il suffira d’une erreur bête de Denny Malone pour le coincer et l’obliger à collaborer. Isobel Paz, procureure du Southern District de New York est coriace et fera tout pour que le chef charismatique de la Task Force donne ses collègues. Si le “super flic“ carbure à l’alcool et à la dexedrine (amphétamine) et qu’il est prêt à passer toutes les lignes jaunes, il y a en a une qu’il n’est pas prêt de franchir de sitôt, c’est celle de balancer ses coéquipiers qu’il considère comme ses frères…

Pas question dans ce roman de condamner la corruption à l’échelle d’une police de terrain locale, ni bien entendu de l’encourager, mais simplement de prendre acte de la situation des forces de l’ordre dans les rues de New-York et d’essayer de comprendre les ressorts d’un système prohibitif qui font que flics et voyous, en quête de dollars facilement gagnés, ont vite fait de jouer la même partie, celle qui permet de s’enrichir sur le dos de politiques prohibitives mises en place il y a déjà quelques décennies… On a un peu vite fait bien entendu de justifier ces gains issus de la corruption par la nécessité de subvenir aux besoins des familles, ou par une réalité du terrain qui met la pression sur des policiers mal rémunérés au regard des risques pris, mais il serait tout aussi malvenu de condamner en bloc sans aller voir de plus près ce qui se joue là au plus près des hommes et des femmes de chaque côté de la barrière du trafic…