Tout le monde sait que le cannabis est la troisième substance psychoactive la plus consommée dans le monde à titre récréatif après le tabac et l’alcool. On sait moins souvent en revanche que les psychostimulants majeurs (cocaïne, amphétamines, cathinones…) arrivent en quatrième position, et leur usage est en nette augmentation, en particulier celui de la cocaïne, dont les représentations se sont banalisées dans une partie du public (voir à ce sujet la très intéressante synthèse de l’ODFT sur le sujet: https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/codescomp.pdf)
L’une des conséquences fréquentes de l’usage de stimulants est une augmentation de l’impulsivité et des comportements hétéro-agressifs. Cela a été montré dans des études animales après une administration répétée de fortes doses de stimulants, et il a aussi été observé que les personnes dépendantes à la méthamphétamine rapportaient plus de comportements violents, en particulier lors des épisodes de consommations. Cela est un effet direct de ces substances, qui augmentent l’impulsivité mais aussi l’irritabilité et les sentiments mégalomaniaques, voire dans certains cas, les idées paranoïaques.
En moyenne, le premier usage de stimulants se fait vers l’âge de 21 ans. Or, cet âge correspond aussi à la période d’obtention du permis de conduire dans de nombreux pays occidentaux. Ce n’est pas anodin quand on sait que les stimulants altèrent les capacités de conduite (majoration des conduites à risque au volant telles que réduction des distances de sécurité, vitesse excessive, etc…) ce qui pourrait être lié notamment à une augmentation de traits d’impulsivité ou d’agressivité par les stimulants. Certaines études montrent que jusqu’à un tiers des conducteurs blessés ou tués dans des accidents de la route étaient sous stimulants au moment de l’accident.
Dans cette étude, les chercheurs ont voulu déterminer si l’association entre l’usage de stimulants et les comportements à risque au volant demeurait, indépendamment du lien avec l’agressivité moyenne des sujets, mesurée par un questionnaire. Les données analysées ont été extraites d’un questionnaire national réalisé aux États-Unis entre 2012 et 2013, auprès de plus de 35000 adultes américains (la fameuse cohorte NESARC). Ce questionnaire recensait l’usage de stimulants, les accidents de la route sous stimulants, les conduites à risque au volant, les comportements d’agressivité/de violence rapportés au cours de la vie, l’usage d’autres substances et l’existence de trouble psychiatriques.
Les résultats obtenus montrent que 2714 (8%) participants avaient pris des stimulants au moins une fois au cours de leur vie. Parmi eux, 333 avaient un usage actuel et 112 remplissaient les critères pour un trouble de l’usage de stimulants. Les usagers de stimulants avaient significativement plus de comportements à risque au volant, et cette association demeurait après ajustement sur l’agressivité.
La conclusion de l’étude est que l’usage de stimulants et l’agressivité sont indépendamment associés à des comportements à risque au volant.
En pratique, cela signifie que si les stimulants augmentent le risque d’accident de la route par des mécanismes qui n’impliquent pas seulement l’agressivité induite par la substance. D’autres mécanismes sont donc à rechercher (dans d’autres études), en particulier les troubles attentionnels (massifs avec les psychostimulants), ou bien un mode d’impulsivité qui ne s’exprime pas par de l’agressivité.
Il est utile de rappeler qu’en France, depuis quelques années, un dépistage salivaire rapide et utilisable lors des contrôles routiers permet de détecter l’usage de multiples substances (cannabis, opiacés, cocaïne, amphétamines, méthamphétamines, ecstasy, méthadone, kétamine, benzodiazépines) au volant.
Julia de Ternay
Benjamin Rolland