Syndrome de Korsakoff : symptômes, prévention et prise en charge

Alcool
Syndrôme de Korsakoff symptômes de prévention et prise en charge

Le syndrome de Korsakoff est un syndrome neurologique sévère, le plus souvent irréversible, et pourtant encore trop peu connu du grand public ! Cette maladie, qui affecte notamment la mémoire, s’accompagne de troubles du comportement. Elle résulte le plus souvent d’un trouble de l’usage de l’alcool ou d’une dépendance, responsable d’une carence en vitamine B1 (thiamine).

Faute de sensibilisation, le dépistage est fréquemment tardif, alors même que ce syndrome pourrait être enrayé avant de devenir chronique et d’aboutir à une démence alcoolique. Une fois le syndrome de Korsakoff installé, il n’existe aucun traitement curatif… Les malades et leurs proches sont livrés à eux-mêmes, car en France, la prise en charge reste très insuffisante : il existe très peu de structures adaptées pour accueillir ces patients.

Le syndrome de Korsakoff, de quoi s’agit-il précisément ?

Facteurs déclenchants

Le syndrome de Korsakoff est un trouble neurocognitif sévère, consécutif à une carence chronique en vitamine B1, le plus souvent liée à une consommation excessive d’alcool. Cette vitamine joue un rôle essentiel dans le bon fonctionnement du métabolisme cérébral. La consommation chronique d’alcool, en particuliers chez les personnes dénutries, représente ainsi l’un des principaux facteurs de risque. D’autres causes, bien que plus rares, peuvent également être identifiées : tumeur cérébrale, accident vasculaire, traumatisme crânien, encéphalopathie ou grande dénutrition. En l’absence de correction rapide de la carence en vitamine B1, des lésions cérébrales apparaissent, entraînant d’abord l’encéphalopathie de Wernicke, forme aiguë de la maladie, qui reste réversible si elle est diagnostiquée et traitée à temps.

L’encéphalite de Wernicke, 1ère étape avant le syndrome de Korsakoff

« L’encéphalite de Wernicke se manifeste par une triade clinique inconstante : troubles oculomoteurs (nystagmus1, diplopie2), trouble de la coordination des mouvements (ataxie) et confusion mentale », souligne Christelle Peybernard, psychiatre addictologue et cheffe de service du CSAPA3 L’ESPACE (EPS Barthélémy Durand à Étampes).

Le traitement de référence de l’encéphalite de Wernicke repose sur l’administration de vitamine B1 injectable à forte dose, notamment par voie intraveineuse, indispensable pour assurer une bonne biodisponibilité, surtout chez des patients ayant une malabsorption intestinale fréquente, comme c’est le cas pour les patients alcoolodépendants. Mais la vitamine B1 injectable (formule dite « THIAMINE 500 mg/5 ml ») n’est pas remboursée en France dans ce contexte, car elle n’a pas d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le traitement de l’encéphalite de Wernicke en neurologie ou en addictologie. Cela limite son utilisation systématique, sauf dans des services très sensibilisés.

« Bien que le coût unitaire d’une ampoule de vitamine B1 soit relativement modeste, une cure complète peut impliquer plusieurs dizaines d’ampoules sur plusieurs jours, surtout selon les recommandations britanniques ou australiennes (jusqu’à 1 500 mg/j). Pour les établissements de santé, notamment en addictologie ou en psychiatrie, cela représente un coût cumulé non négligeable, à absorber sans remboursement, ce qui peut limiter la systématisation du protocole », explique Christelle Peybernard.

Si l’encéphalopathie de Wernicke n’est pas prise en charge rapidement par une supplémentation en vitamine B1, les atteintes liées à sa phase aiguë, évoluent vers une forme chronique. Les troubles s’intensifient et l’encéphalopathie de Wernicke se transforme en une maladie neurodégénérative grave, irréversible, qui peut difficilement être traitée : le syndrome de Korsakoff.

5 symptômes majeurs du syndrome de Korsakoff !

Des troubles profonds de la mémoire, associant une amnésie antérograde, c’est-à-dire une incapacité à enregistrer de nouvelles informations et à former de nouveaux souvenirs, ainsi qu’une amnésie rétrograde partielle, altérant notamment des souvenirs plus anciens.

Une confabulation : le malade atteint du syndrome de Korsakoff fabrique inconsciemment de « faux souvenirs qui comblent le vide » et substituent la réalité.

Une désorientation marquée, avec des difficultés à se repérer dans l’espace comme dans le temps, accompagnée d’une altération des fonctions exécutives : troubles de la planification, de l’organisation, de la prise de décisions, apathie (déficit persistant de la motivation) et manque d’initiative.

Des troubles émotionnels et comportementaux.

Une anosognosie : une absence de conscience du trouble chez le malade, qui complique considérablement la prise en charge, aussi bien pour les proches que pour les soignants.

Syndrome de Korsakoff : optimiser la prévention et repenser la chaine de prise en charge des patients en France

Faute de dépistages précoces, les diagnostics sont tardifs et les pertes de chance réelles pour les patients.

En France, le syndrome de Korsakoff pâtit d’un déficit de prévention, d’information collective et de dépistage. Sa prise en charge, quant à elle, reste largement insuffisante et peu structurée. La carence en vitamine B1 se manifeste d’abord par l’encéphalopathie de Wernicke (forme aiguë du syndrome).

« Identifier rapidement cette carence chez un patient qui présente des signes évocateurs de Wernicke et/ou un problème d’alcool, pourrait éviter de nombreuses complications. Une simple prescription de vitamine B1 empêche l’évolution de l’encéphalopathie vers le syndrome de Korsakoff, la forme chronique », précise Christelle Peybernard.

Sensibiliser les soignants pour systématiser un dépistage précoce

Sensibiliser les soignants à l’encéphalopathie de Wernicke et au syndrome de Korsakoff permettrait de systématiser le dépistage précoce, et ainsi d’éviter que la maladie n’évolue vers une forme chronique aux conséquences irréversibles. Toujours selon Christelle Peybenard, en l’absence de dépistage (et donc de traitement de l’encéphalopathie de Wernicke), entre 12 à 14 % des personnes qui souffrent d’un trouble de l’usage d’alcool vont potentiellement développer un syndrome de Korsakoff. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 90% des encéphalopathies de Wernicke sont en effet liées à une consommation d’alcool, et 80% d’entre elles, faute de dépistage et de traitement précoce, évolueront vers un syndrome de Korsakoff. Actuellement, 80% des patients atteints d’une encéphalopathie de Wernicke ne sont pas diagnostiqués et restent donc sans traitement !

“Retenons qu’aux urgences, dès qu’une personne semble présenter des signes de l’encéphalopathie de Wernicke, ou un trouble lié à l’usage de l’alcool, il semble essentiel de penser à une carence en vitamine B1. Son dépistage est un geste simple qui pourrait éviter bien des complications et des conséquences graves”, ajoute Christelle Peybernard

Structures de soins inadaptées et trop peu nombreuses en France

Les proches de malades de Korsakoff se retrouvent bien souvent dans de véritables labyrinthes, impasses, ballotés entre les services, d’un service médical à un autre.

« En accompagnant mon frère atteint de ce syndrome, j’ai compris l’ampleur des difficultés rencontrées par l’entourage dans la prise en charge de leur proche malade. Les médecins n’ont pas ou peu les moyens pour nous aider. Ils sont souvent contraints de mettre fin à l’hospitalisation, perçue comme « non justifiée » (occupation trop longue des lits), ou encore « gênante » (patient désorienté qui déambule, ou perturbe le travail, et même fugue…) et aussi trop onéreuse. Quant aux pouvoirs publics, ils sont dépassés, laissant les familles s’user dans leurs accompagnements et démarches, et les malades livrés à eux-mêmes ».

Ce sont les mots troublants de Malika Rossard, fondatrice et présidente de l’association Aidons les Korsakoff.

En l’absence de traitement curatif, la prise en charge du syndrome de Korsakoff s’avère particulièrement complexe. Elle nécessite notamment une remédiation neurocognitive au sein de structures spécialisées. Or, à ce jour, il n’existe que quelques rares structures spécialisées en France qui seraient réellement adaptées à l’accueil et au suivi de ces patients. La perte d’autonomie qu’entraîne la maladie impose une assistance quotidienne, trop fréquemment assurée par les proches, au prix d’une charge écrasante pour un entourage souvent démuni et épuisé.

Lorsque la maladie survient au troisième âge, c’est souvent le conjoint, lui-même vieillissant, qui endosse ce rôle d’aidant. Or, après 60 ans, les fragilités physiques et psychiques s’accentuent, ce qui aggrave encore la vulnérabilité du couple et rend l’accompagnement d’autant plus éprouvant.

Une prévention qui peut aussi prendre appui sur l’éducation

Selon Malika Rossard, la prévention peut se déployer très tôt, dès le plus jeune âge, à la maison, comme à l’école, et se faire notamment par le biais de l’alimentation : expliquer de façon simple et claire tous les bienfaits de la vitamine B1, mais aussi les conséquences délétères pour la santé de sa carence. « Faire prendre conscience très tôt aux enfants que la consommation d’alcool peut empêcher l’absorption de cette vitamine » une démarche qui n’est pas si complexe à mettre en œuvre et qui pourrait contribuer à renforcer une meilleure connaissance et donc la prévention du syndrome de Korsakoff » souligne-t-elle.

Pour une prise en charge plus efficace

Des solutions existent pour une meilleure prise en charge du syndrome de Korsakoff, mais cela passe par une responsabilisation collective et le déploiement de plusieurs leviers :

-une optimisation de la sensibilisation des médecins aux syndromes de Wernicke-Korsakoff,

-le développement de structures spécialisées et de parcours de soins appropriés,

-une meilleure formation des professionnels de santé dans les cursus et les formations médicales continues,

-une plus forte sensibilisation du grand public aux risques du mésusage chronique de l’alcool et à l’importance de la vitamine B1,

-un plaidoyer auprès des pouvoirs publics pour faire bouger le cadre des lois et de la prise en charge,

-mise en place des dispositifs d’aide pour accompagner et soutenir l’entourage des patients…

Car, face à cette absence de traitement curatif du syndrome de Korsakoff, la prévention et l’information, mobilisant à la fois les champs médicaux, sociaux, éducatifs et légaux, sont cruciaux et même indispensables !

Trouver de l’aide :

ASSOCIATION AIDONS LES KORSAKOFF

06 78 29 47 12 : dispositif d’intervention téléphonique ouvert du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 17h

https://www.korsakoff-paris.com/

RESALCOG

Association pour le développement d’un réseau de soin autour des Troubles Cognitifs liés à l’Alcool

https://resalcog.fr/

 

1 Mouvement rythmique involontaire des yeux.

2 Perception de 2 images d’un seul objet.

3 Centre de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie.

Sources :

– Le numéro spécial sur le syndrome de Korsakoff paru en février 2025 est en accès libre sur le site de la Société Française d’addictologie : https://sfalcoologie.fr/wp-content/uploads/numero-special-korsakoff-MAT-2.pdf
– Revue Médicale Suisse – « Encéphalopathie de Wernicke et syndrome de Korsakoff : aspects cliniques et diagnostic » : https://www.revmed.ch
– Ordre des psychologues du Québec « Trouble de l’usage de l’alcool et troubles cognitifs : https://www.ordrepsy.qc.ca
– Boudehent C, Pitel AL, Cabé N, Lanièpce A. Mr S. : du trouble de l’usage d’alcool sans complication neurologique au syndrome de Korsakoff. « Alcoologie et Addictologie ». 2025;47(1):1-20.

Muriel Gutierrez (Amande épicée)