Plus de 20 % des patients suivis pour un trouble addictif (trouble de l’usage de substances ou addictions comportementales) seraient concernés par le TDAH (trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité). La présence d’un TDAH est associée à un trouble de l’usage de substances plus précoce et plus sévère.
L’impulsivité propre au TDAH constitue un facteur de risque majeur de développer des troubles addictifs, et spécifiquement à la période de l’adolescence où l’impulsivité est souvent exacerbée (favorisant des comportements à risque) et peut s’associer à des désordres émotionnels et des difficultés d’individuation. Le comportement addictif peut constituer une stratégie de gestion des émotions négatives (dysrégulation émotionnelle propre au TDAH) et peut faire office « d’automédication », comme la canalisation de l’hyperactivité dans le cadre de la consommation de substances, ou encore l’amélioration des troubles de l’attention grâce aux stimulations proposées par les jeux vidéo.
Quelles sont les conduites à tenir en cas de présence simultanée de TDAH et d’addiction(s) ? Est-ce que cette complexité peut finalement constituer un levier thérapeutique ?
Pourquoi avoir fait cette recherche ?
Le taux de patients ayant à la fois un TDAH et un trouble addictif est important : 23.1 % chez les patients suivis pour un trouble de l’usage de substances (TUS), 39 % chez les patients présentant un trouble du jeu vidéo, 25 % chez les patients ayant une addiction au sexe, et 20-25 % chez les patients présentant un jeu d’argent pathologique.
Il semblerait qu’il existe une vulnérabilité génétique partagée entre les troubles addictifs, d’une part, et le TDAH, d’autre part. Le concept de « pathologie duelle » fait référence à la présence à la fois d’un trouble addictif et d’au moins un trouble psychiatrique : par exemple 75 % des patients présentant la co-occurrence TDAH-TUS sont concernés par au moins un trouble psychiatrique supplémentaire, contre 37 % sans TDAH. En cas de pathologie duelle le repérage diagnostique est plus compliqué, et le pronostic de chaque trouble est plus défavorable.
Quel est le but de cette recherche ?
Etant donné la surreprésentation des patients présentant un TDAH dans les consultations d’addictologie, une stratégie de prise en charge adaptée à ces patients est un enjeu de santé publique. Cet article a pour but de :
- préciser les liens entre TDAH et addictions,
- préciser la démarche diagnostique à envisager, respectivement pour le patient venant pour un trouble addictif ou celui venant pour un TDAH,
- présenter les différentes options thérapeutiques (médicamenteuses ou non) en cas de présence simultanée de TDAH et d’addiction(s).
Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?
Les autrices de cet article se sont basées sur une revue de littérature existante sur les liens entre TDAH et addictions.
Quels sont les principaux résultats à retenir ?
Il est proposé une démarche diagnostique en cas de comorbidité TDAH-addiction(s), selon que le patient soit reçu pour :
- un trouble addictif : les patients doivent faire l’objet d’un repérage systématique d’un TDAH au plus tôt. Ce repérage concerne l’ensemble des professionnels de santé mais ce sont parfois les proches ou la personne elle-même qui ont repéré des signes évocateurs.
- un TDAH : la recherche de troubles addictifs, à des substances ou à des comportements (jeu, sexe, achat …) va s’avérer incontournable.
En ce qui concerne la prise en charge recommandée en cas de comorbidité TDAH-addictions, le principe consiste à traiter en priorité le trouble le plus invalidant, mais une prise en charge conjointe du TDHA et des troubles addictifs est particulièrement indiquée, avec des objectifs co-construits avec le patient, et une identification de ses ressources et fragilités. L’idée étant que la mise en évidence d’un TDAH puisse permettre à la personne une lecture plus juste de ses difficultés et de dégager des axes de changements plus raisonnables (l’impulsivité du TDAH pouvant par exemple constituer un frein au changement dans les conduites addictives). En cas de TDAH sévère, il peut être proposé une optimisation du traitement médicamenteux avant de s’engager dans des soins psychothérapeutiques. La TCC (thérapie comportementale et cognitive) intégrant les problématiques liées au TDAH comme aux conduites addictives, en individuel ou en groupe, est une prise en charge de choix.
Les points clés à retenir
- Cette pathologie duelle doit faire l’objet d’une vigilance particulière des cliniciens.
- Il s’agit de viser une certaine stabilité du trouble addictif avant de traiter de façon spécifique le TDAH. Le TDAH entretient voire majore les troubles addictifs, mais l’engagement dans des soins addictologiques semble un préalable important afin de considérer que la prise en charge du TDAH est un levier thérapeutique.
Pour plus d’informations sur cette recherche :
Clémence Cabelguen, Aude Begnaud, Marie Grall-Bronnec
TDAH et addictions: fardeau ou levier thérapeutique ?; Presse Med Form (2024)
Lien : https://doi.org/10.1016/j.lpmfor.2024.09.004
Retrouvez la synthèse de l’article du mois «TDAH et addictions : fardeau ou levier thérapeutique ?» sur le site de l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales (IFAC) du CHU de Nantes.