Introduction :
La stimulation magnétique transcranienne (rTMS) répétitive et la stimulation magnétique est une technique de stimulation cérébrale non invasive qui modifie l’excitabilité corticale, le flux sanguin cérébral, la fréquence de décharge neuronale et la libération de différents neurotransmetteurs (notamment l’augmentation de la dopamine au niveau mésolimbique dans les protocoles de stimulation du cortex préfrontal dorso-latéral). Bien que plusieurs études aient démontré son efficacité dans différents troubles psychiatriques (notamment les troubles de l’humeur), son efficacité pour les patients avec troubles addictifs est moins évaluée. La rTMS pourrait être particulièrement intéressante pour cibler le craving, qui est un facteur de rechute majeur des addictions.
Une équipe française (Service d’addictologie de Clermont Ferrand) a donc cherché à évaluer via une méta-analyse quel était le niveau de preuve actuel de la rTMS pour réduire le craving dans différents types d’addictions. Outre l’efficacité globale de la neurostimulation, l’intérêt était de préciser le protocole optimal en termes de fréquence de stimulation (haute fréquence : activation versus basse fréquence : inhibition), de nombre de sessions, du nombre de stimulations par session, ou de région stimulée. Les auteurs ont évalué initialement tout trouble addictif, en se focalisant ensuite spécifiquement sur les troubles de l’usage des stimulants et les addictions comportementales.
Sur le plan de la méthode, l’inclusion des études dans cette méta-analyse s’est faite par recherche de mots clés dans différentes bases de données (PubMed, Embase, PsycINFO, Cochrane). Toutes devaient évaluer l’effet de la rTMS ou de la stimulation magnétique transcranienne profonde (dTMS) sur le craving (qui devait être un critère de jugement principal ou secondaire). Les études devaient évaluer la rTMS/dTMS vs placebo, en randomisé ou non. La rTMS/dTMS/placebo pouvait être réalisée seule ou en complément des traitements pharmacologiques habituels et ou de la psychothérapie. L’analyse des données s’est faite en répartissant les addictions selon trois groupes : substances stimulantes (i.e., cocaiïne, amphétamines/méthamphétamines, nicotine), dépressogènes (i.e., alcool, cannabis, opiacés) et addictions comportementales (trouble des conduites alimentaires de type anorexie mentale ou boulimie, jeu d’argent pathologique). Les résultats ont été comparés dans chaque sous-groupe avec une analyse des différents parameètres de neurostimulation utilisés (fréquence de stimulation, nombre de sessions, nombre de stimulations par session, région stimulée).
Les résultats sont très intéressants. Comparativement aux groupes témoins. ils démontrent une réduction significative du craving grâce à la rTMS chez les patients souffrant de troubles de l’usage de stimulants et chez ceux souffrant d’addiction comportementale, mais pas pour ceux avec les autres troubles addictifs. Lors de l’analyse des résultats par substances et non plus par catégorie, seuls les groupes « tabac », « méthamphétamine » et « jeux de hasard et d’argent » ont montré une réduction significative du craving avec les séances de rTMS.
Il y avait en revanche un trop faible nombre d’études dans les 2 catégories significativement différentes (stimulants et comportementaux) pour y faire émerger un protocole de neurostimulation statistiquement plus efficace. Néanmoins, la stimulation spécifique da la partie dorsolatérale du cortex préfrontal était la plus étudiée. Enfin, plus le nombre de séances augmentait, plus le craving diminuait.
En résumé, cette étude est la première à avoir évalué l’efficacité de la rTMS sur le craving en prenant en compte l’ensemble dess addictions dans une perspective intégrative. Elle a pu mettre en avant une efficacité de la rTMS sur le craving concernant les troubles de l’usage des psychostimulants et du jeu d’argent pathologique avec un niveau de preuve robuste. La grande variabilité entre les troubles addictifs pourrait notamment être expliquée par la multitude de paramétrages possible de la rTMS et les différences d’emploi selon les études. Il est également nécessaire de rappeler l’origine multifactorielle du craving d’un point de vue neurophysiologique et que la stimulation du cortex dorsolatéral préfrontal (qui a été majoritairement étudiée) ne se focalise que sur une de ces dimensions. Malgré quelques limites (i.e. absence de visibilité et d’évaluation de l’efficacité sur le très long terme, hétérogénéité des protocoles), la démonstration d’un effet dose est très encourageante et incite à proposer un protocole avec des paramétrages de rTMS homogénisés. En cas de confirmation de cet effet, il serait intéressant d’étudier l’intérêt de séances d’entretien de rTMS dans le cadre de la prévention de la rechute. Dans une optique de meilleure personnalisation de la prise en charge, il serait aussi intéressant de comprendre pourquoi et pour qui ces interventions seraient les plus efficaces (quid d’une plus grande efficacité en cas de recherche de sensations ou d’impulsivité plus élevées, qui sont fréquentes chez les patients avec troubles de l’usage des stimulants ou jeu d’argent pathologique).
Par Antony Salamé, interne en DES de psychiatrie et titulaire de la FST d’Addictologie à Tours
Et relu par Paul Brunault
Aurélia Gay, Julien Cabe, Ingrid De Chazeron, Céline Lambert, Maxime Defour, Vikesh Bhoowabul, Thomas Charpeaud, Aurore Tremey, Pierre-Michel Llorca, Bruno Pereira and Georges Brousse.