Évolution du marché "cannabis récréationnel" dans l'état de Washington.

L’auteur présente le marché récréationnel du cannabis dans l’état de Washington aux Etats Unis. En effet seuls 10 états américains, le Canada et l’Uruguay ont légalisé le cannabis (production et vente) non médical et leur retour d’expérience de ces territoires est important dans la mesure où cette question de légalisation revient régulièrement sur la place publique.

Cannabis

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Premier constat, cette ouverture du marché a permis l’essor de nombreux produits sans évaluation de l’impact sur la santé publique. Si sur les dernières décennies, c’est essentiellement le taux de THC qui augmentait dans la plante, désormais, ce sont les nouveaux modes de consommations dont on maitrise mal la toxicité qui explosent : ingestion (huiles, gâteaux, boissons…) ou inhalation (vaporisation, « dabbing »…). Si la vaporisation (sans tabac, sans combustion) semble être moins nocive que le joint (tabac, combustion), la littérature rapporte des cas d’intoxications, de psychoses et d’anxiétés supérieures à la consommation « plus traditionnelle » avec le dabbing (technique qui consiste à vaporiser des produits extrêmement concentrés (70 à 80 % de THC) en les déposants sur une petite plaque de métal chaude tout en  récupérant cette vaporisation à l’aide d’un bang ou pipe en verre).

L’état de Washington a légalisé en 2012 la production, la transformation et la revente de cannabis contre une taxe de 25 % augmentée en juillet 2015 à 37 % du prix de revente. L’usage du cannabis médical date de 1998 dans cet état. 90 % des boutiques ont un agrément cannabis médical (un peu moins taxé que celui récréationnel). Ces magasins sont limités à 100 mg de THC par unité pour le récréationnel contre 500 mg pour le médical.

Pour l’étude, l’auteur a analysé les ventes sur un peu plus de 3 ans (juillet 2014 à octobre 2017), ce qui représente 105 millions de transactions exploitables pour plus de 2,3 milliards de dollars (taxe incluse). Huit catégories ont été faites : fleurs séchées, fleurs infusées, produits liquides, produits solides, produits de dabs, pour vaporisation, haschisch/kief et enfin les autres concentrés. Un gros travail de nettoyage de la base de données et d’identification des produits réellement vendus a été nécessaire (détails dans l’article original).

Au cours de l’étude, la proportion de fleurs séchées diminuent passant de près de 90 % à 59,5 % au profit des extraits (haschisch/kief, dabs, en cartouche pour vaporisateur ou non) pour 28,5 % mais également des aliments solides (6,6 %), infusions (2,8%), liquides (1,7 %) et même topique (0,8 %). Les extraits représentent 27 millions de dollars en octobre 2017 et sont en constante augmentation. L’évolution du marché est donc très rapide avec l’arrivée des nouvelles formes développées par l’industrie du cannabis.

Concernant les cannabinoïdes, les taux de THC et CBD (cannabidiol) varient selon les produits et le temps, mais de manière générale, les produits sont fortement dosés en THC et faiblement en CBD. L’évolution des teneurs est là aussi extrêmement rapide puisque en 2015, les extraits tournaient autour de 40 % de THC contre 70 % en 2017. Pour les fleurs, on retrouve en moyenne 21 % de THC et moins de 0,5 % de CBD. Concernant le CBD, ce sont certains extraits liquides qui en contiennent le plus (maxi 7 %) tandis que les extraits solides tournent à 2 % et que les extraits en cartouches sont de l’ordre de 3 %. Là aussi, le marché évolue très rapidement puisqu’en 2015, les ventes de produits fortement dosés en CBD étaient anecdotiques (<1 %) alors que ce n’est plus le cas en 2017. Le CBD se retrouve principalement dans des aliments et les huiles avec jusqu’à 21 % des ventes selon la catégorie. Les vertus médicales associées au CBD sont probablement à l’origine de cette évolution de consommation.

Concernant les prix, l’étude les a rapportés à 10 mg de THC pour faciliter la comparaison. Il s’avère que les prix ont chuté entre 2014 et 2017 d’environ 50 %. Le plus coûteux, reste les aliments avec un prix un peu inférieur à 3US$. En cartouche, les 10 mg de THC sont vendus 0,69 US$ tandis que les autres formes ont un prix autour des 30 centimes.

En conclusion, la consommation, les produits et les prix évoluent très vite. L’herbe est de moins en moins utilisée au profit des nouvelles formes dont les produits de dabbing extrêmement dosés en THC. Avant juillet 2016, les ventes de cannabis médical n’étaient pas enregistrées dans une base et il est donc impossible de savoir si l’augmentation de la consommation des produits de CBD observée est ou non issu d’un report du médical sur le récréationnel. Concernant les taux de THC, il est possible comme cela a déjà été démontré qu’ils soient volontairement exagérés pour se démarquer de la concurrence et attirer les usagers. A la suite de ces pratiques, deux laboratoires ont été suspendus. Cependant, les contrôles réalisés confirment ces taux élevés de 18 à 23 % pour les fleurs et 65 à 75 % pour les extraits les plus dosés. L’auteur s’étonne que malgré la communication dans les médias autour du CBD, ses ventes restent malgré tout minoritaires. Il se pose la question de savoir si la baisse des prix observée à Washington mais aussi dans le Colorado ne favoriserait pas l’initiation au cannabis surtout chez les plus jeunes et/ou n’augmenterait pas de la consommation pour les personnes déjà consommatrices. Si tel était le cas, l’impact sur la santé publique devrait être évalué. Si le dabbing avec ses taux de THC très élevés peut inquiéter l’opinion publique et les professionnels de santé, l’ingestion (bien que les taux soient plus faibles et donc a priori moins alarmant) est aussi à surveiller car pour rappel, le THC fumé ou inhalé n’est pas totalement absorbé puisqu’il y a toujours une perte de fumé/vapeur, ce qui n’est pas le cas avec l’ingestion. Une autre étude a montré un facteur de 5,7 entre ces deux modes de consommations ce qui fait dire à l’auteur que les prix/effet sont similaire entre la voie ingérée et inhalée.

Calcul personnel grossier (nombreux biais) : Etat de Washington 7,6 millions d’habitants. En 40 mois d’étude, 113,164 millions de transactions pour  2511 millions de dollars. Soit 2,8 millions de transactions par mois soit en moyenne 1 habitant sur 3 qui fait un achat et qui rapportent  23 millions de taxe chaque mois à l’état (soit 3$ de taxe/mois/habitants lié au cannabis). Combien ça coute à la société ?

Un article de Matthieu Chappuy

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