Documentaire / “Icarus“ de Bryan Fogel

 

Si ce documentaire du réalisateur américain Bryan Fogel a été diffusé sur la plateforme Netflix le 4 août 2017, c’est à dire le jour du lancement des mondiaux d’athlétisme de Londres, ce n’est sûrement pas un hasard.

Il commence en 2014 par l’envie d’un réalisateur, cycliste amateur de bon niveau, de comprendre comment fonctionne le dopage chez les athlètes, comment ils le vivent au quotidien, et surtout comment des sportifs comme Lance Amstrong par exemple, peuvent pendant autant d’années avoir passé autant de contrôles anti-dopage sans jamais se faire attraper.

Bryan Fogel décide alors de se lancer dans un protocole de dopage avec comme objectif assumé d’observer le comportement de son corps et l’évolution de ses performances. En ligne de mire : un meilleur classement que l’année précédente à une course cycliste d’envergure, la “Haute Route“, enchainement sur plusieurs jours d’un certain nombres de cols alpins.

Pour mener à bien son enquête, Bryan se met dans un premier temps en contact avec Don Catlin, ancien directeur du laboratoire antidopage de Los Angeles et ancien collaborateur de Lance Amstrong. Malheureusement Don Catlin finit par décliner sa collaboration, mais décide de faire le lien avec son homologue russe, Grigory Rodchenkov, qui dirige un très grand et très renommé laboratoire antidopage à Moscou. L’homme accepte lui d’accompagner le réalisateur, avec sans doute le désir caché de dévoiler quelques secrets bien cachés. Il construit alors pour le cycliste amateur un protocole de dopage à base d’hormones de croissance et de testostérone, et lui explique comment faire pour que les tests aux contrôles antidopage soient négatifs. Bryan s’exécute et les deux hommes, qui communiquent essentiellement par skype et ne se sont rencontrés qu’une fois, construisent une complicité amicale autour de ce tour joué aux autorités sportives et aux biens pensants.

Mais le documentaire prend assez vite une autre tournure car, suite aux révélations d’anciens athlètes russes dans un documentaire allemand en 2014 et au journal l’Equipe en France en août 2015, une première commission d’enquête est diligentée par l’Agence Mondiale Antidopage (AMA), enquête qui dénonce dans un rapport en décembre 2015 l’implication des autorités russes dans une fraude à la lutte antidopage via son laboratoire antidopage pourtant accrédité par l’AMA… Tout se précipite alors. Grigory Rodchenkov démissionne sur ordre des autorités russes, et décide, par peur pour sa sécurité, de se réfugier, avec l’aide de son ami Bryan, aux Etats-Unis. Il laisse derrière lui femme et enfants. Il se positionne alors en lanceur d’alerte et se confie ouvertement au réalisateur et au New York Times. Il transmet tous les documents nécessaires à une nouvelle commission d’enquête mise en place par l’AMA, la commission McLaren, du nom du juriste qui la dirige, qui rend public un rapport le 18 juillet 2016. Ce rapport accable à nouveau le laboratoire antidopage russe, couvert par le gouvernement et les services secrets, et responsable de dissimulations et d’échanges d’échantillons provenant d’athlètes dopés, et ce depuis des décennies. Le rapport MacLaren a alors pour conséquence l’exclusion des JO de Rio en août 2016 de certains athlètes russes, mais pas tous, malgré les recommandations faites par l’AMA au CIO qui ne les pas entièrement suivies.

Mais, même s’il dénonce un système de dopage institutionnalisé en Russie et instrumentalisé depuis des années par un pouvoir qui continue à nier, et qui compte sur les réussites sportives de ses athlètes pour valoriser une nation et donc ses dirigeants, gageons que le bruit résiduel de ce documentaire ne changera malheureusement pas en profondeur le fonctionnement d’une lutte antidopage boiteuse…

Consulter en ligne