La parution de cet ouvrage collectif, aux Editions Langageet à celles de l’Université Paris Diderot, fait suite à un colloque qui s’est tenu en octobre 2017 à l’Hôpital Maison Blanche et à l’Université Paris Diderot. Il propose une réflexion centrée sur les usages de drogues comme pommade des corps et des âmes là où les représentations sociétales s’orientent assez naturellement vers le versant toxique des consommations, et ce quelque soit leur niveau. Si, de tout temps, l’être humain s’est tourné vers les psychotropes c’est logiquement pour se faire du bien, et non pour se faire du mal, même si la bascule fait partie du risque encouru sans que qu’il soit incontournable. C’est toute l’ambiguïté des usages chroniques qui jouent sur cette ubiquité des drogues, entre satisfactions et dangers.
Ici, ce sont des praticiens, essentiellement psychiatres, psychanalystes ou psychologues cliniciens, qui se penchent sur ces questions-là, racontent et expliquent, entre autres, comment l’usage de drogues peut avoir affaire avec le désir de mettre à distance une contrariété ou un mal-être, de soulager un désordre physique ou psychique, ou d’améliorer le “vivre-ensemble“. Si des patients-usagers sont en demande de reprise de contrôle de leur consommation, et non dans la quête obstinée d’une abstinence qui peut sembler pour certains utopiste, c’est que cette valeur positive refuge des drogues ne veut pas être écartée. Ci-dessous, un petit tour de la table des matières.
Dans un premier chapitre, consacré à l’histoire et l’anthropologie clinique, est proposée une réflexion contemporaine pour une histoire des addictionsqui revient sur le traité publié en 1561 par un médecin-philosophe flamand Pascalius, traité consacré au goût excessif de jouer pour de l’argent ; est proposée aussi une réflexion sur la place des usages de drogues, en particulier des opiacés, dans la pharmacopée féminine de tout temps. Une longue histoire de l’alcoolisation clôture le chapitre.
Un deuxième chapitre, titré “Régulation“, pose, entre autres, la question suivante : “La transgression fait-elle d’un Pharmakon une drogue ?“.
Un troisième chapitre, consacré aux traitements et dispositifs thérapeutiques, aborde non seulement le paradoxe de l’addiction, “quand la solution est devenue un échec“, mais aussi la problématique des usages comme “miroir aux alouettes“, et enfin “la drogue comme traitement de soi avec l’autre“.
Le quatrième chapitre est lui titré “Dérégulation“ et propose les chapitres suivants : “Sexe, drogues et trauma : un remède à la perte“ ; “Qui a trouvé mieux ?“ ; “Chemsex et « petite mort »“. Ces articles, dont les en-têtes parlent d’elles-mêmes, nous invitent à interroger des pratiques et consommations contemporaines.
Le dernier chapitre enfin nous parle de “clinique et politique“ et nous envoie au Brésil, avec une “cartographie théologico-politique de la consommation de drogues“ où des territoires urbains comme cette fameuse scène ouverte, connue sous le nom de “Cracolandia“, fait parler d’elle. Le tout dernier article de ce chapitre et donc de cet ouvrage s’intéresse aux “résonnances entre les effets psychotropes des pratiques scientologues et ceux des drogues“, ainsi qu’au “fonctionnement libidinal de cette secte, calqué sur celui qui met en mouvement le Marché mondial de la consommation“. Vaste programme…