Essai / “Tous addicts ?... et après“ de William Lowenstein et Laurent Karila

 

Les docteurs Lowenstein et Karila nous proposent en sous-titre à leur ouvrage de “changer le regard sur les dépendances“ et proposent, pour nous y aider, de faire le tour d’un certain nombre de substances légales et illégales, mais aussi de certains comportements considérés comme potentiellement addictifs.

Pour changer son regard, il faut éclaircir les connaissances de bases acquises ou à acquérir sur les produits et comportements, et éveiller son regard critique sur un certain nombre d’idées reçues ou représentations erronées sur cette thématique des usages, sortir des réflexes de banalisation ou de diabolisation des produits, mais aussi de stigmatisation de certains usagers qui, parce qu’ils consomment certaines drogues ou sont “addicts“, sont montrées du doigt ou marginalisés. Il s’agit d’être pragmatique et humaniste, et mettre de côté une morale ou une culpabilisation mal venues. Accepter une société “addictogène“, c’est faire avec les drogues et dépendances, et accompagner, prendre soin, réduire les risques et les dommages. “Comprendre et ne pas dépendre. User sans en abuser. Apprendre à vivre avec. Une vie d’homme, c’est une vie de dépendances incontournables ! Admettons-le sans honte, nous sommes tous addicts, et après ?“

Les auteurs tentent de nous faire prendre conscience des enjeux sanitaires, de nous expliquer les mécanismes de l’addiction et de nous faire connaitre les traitements potentiellement disponibles. Les propos sont emmaillés de nombreux témoignages qui éclairent le propos.

L’introduction de l’ouvrage nous propose quelques généralités sur le processus addictif, avant de nous emmener au cœur des produits et des comportements : L’alcool responsable de 50 000 décès par an qui voit son niveau de consommation ponctuelle intensive (binge drinking) chez les jeunes restée particulièrement préoccupante, et sa publicité facilitée par une entaille dans la loi Evin ; le tabac responsable lui de plus de 80 000 morts par an désormais, qui ne voit pas son niveau d’usage beaucoup évoluer malgré les campagnes de prévention successives et des lois de santé malheureusement frileuses quand il s’agit de faire la promotion de la cigarette électronique ; les médicaments psychoactifs dont les français raffolent, et autres painkillers responsables de milliers de décès ces dernières années aux Etats-Unis ; le cannabis, premier produit illicite consommé dans le monde, dont les usages sont loin d’être à la baisse, produit qui inquiète parents et professionnels quand il s’agit d’usage adolescent, mais dont on a du mal en France à accepter d’en faire une substance légalement contrôlée pour les adultes ; la cocaïne, l’héroïne, l’ecstasy (MDMA), toutes ces autres substances illicites qu’on connaît souvent mal et sur lesquelles circulent un ensemble de représentations souvent erronées, ancrées profondément dans l’inconscient collectif ; les NPS, ces nouveaux produits de synthèse dont le nombre grandit chaque année au grès de la créativité sans borne des laboratoires clandestins ; et enfin tous ces comportements potentiellement addictifs, dont certains sont légitimement préoccupants : jeux de hasard et d’argent, addiction au sexe, Binge watching, jeux vidéos, addictions alimentaires, workaholisme, Junkies du sport et bigorexie, acheteur, acheteuse en série, sun addicts, etc… L’ouvrage termine sur les questions suivantes : “Des addictions nouvelles imposent des définitions nouvelles et des approches visionnaires. Evolution bienheureuse de nos mutations sociales ? Devenir de plus en plus « accros raisonnables » ? Ne plus y perdre santé et liberté ? Oui, nous médecins et addictologues, nous le croyons !“

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