L’intrigue est toujours la même, ou presque, quand la fiction s’empare de la problématique de l’addiction au jeu. Un homme, rarement une femme, joue aux jeux de hasard et d’argent, perd, s’endette, et tente de se « refaire », comme on dit, après s’être donc « défait » ou « fait dépouillé », au choix, en fonction de la responsabilité que l’on décide de faire peser soit sur le joueur soit sur son environnement. Cette responsabilité du joueur repose elle sur l’action de jeu, la responsabilité de l’environnement repose elle sur un système incitant le joueur à poursuivre cette action malgré son impact négatif. Bien entendu, difficile de résumer cette problématique à cette formulation, peut-être un peu simpliste, tant la volonté d’un joueur compulsif peut être altérée, ce qui peut avoir une incidence sur l’appréciation que l’on a de sa responsabilité réelle… A l’époque de la sortie de ce film, sortie qui date de 1974 (reprise en salles depuis le 12 juin), le jeu de hasard et d’argent n’était pas encore identifié comme une addiction dite « sans substance ». L’énoncé du problème et les solutions proposées étaient simples : un homme qui joue et qui perd régulièrement doit simplement régler ses dettes ou s’arrêter de jouer pour éviter de se retrouver dans ces situations d’endettement. Son honneur et sa sécurité étaient en jeu. Il ne s’agissait pas encore de prendre en charge cette pathologie, ou alors en marge. Les joueurs devaient juste arrêter leurs bêtises et rentrer dans le droit chemin pour ne pas entretenir leur vice et celui des bookmakers impliqués. Quand la mère du personnage principal condamne moralement son fils, elle met en avant que l’argent qu’il perd ne fait que remplir les poches de truands qui convertissent cet argent en drogues pour les vendre aux gamins de dix ans qu’elle voit passer dans son cabinet de médecin. Le business du jeu est associé à celui du trafic de drogues. La morale a fait entrer dans son escarcelle le jugement d’un comportement considéré alors comme aussi répréhensible que le l’usage de drogue…
Axel Freed est professeur de littérature à l’Université, et passe ses nuits à écumer les salles de jeu pour satisfaire son désir compulsif de parier. Il n’est pas accroché qu’à une seule forme de jeu de hasard et d’argent, ni même à un environnement particulier. Il parie aussi bien sur la couleur d’une boule ou sur un chiffre à la roulette, que sur les bonnes cartes au blackjack ou une équipe de basket gagnante. Ses dettes s’accumulent jusqu’à atteindre la somme de 44 000 dollars. Pour rembourser ce qu’il doit à son bookmaker, il emprunte à sa mère déçue du comportement de son fils, comme nous l’avons déjà dit, et à son grand père, riche industriel prêt à aider le petit fils dont il est fier. Mais le besoin constant de toujours vouloir doubler la mise conduit Axel à parier la grosse somme qu’on lui a prêtée. Quelques tours à la roulette, au 421, ou autres jeux lui permettent de gagner plus encore, certes, mais ça n’a qu’un temps, et ce même s’il est en veine ce jour-là ou béni des dieux comme il dit. La nécessité de rembourser sa dette, ce qui lui permettrait de se débarrasser de la menace qui pèse sur lui, ne fait pas le poids face au besoin de jouer encore et toujours jusqu’à ce que le porte-monnaie soit totalement vide. Tant qu’Alex a de l’argent sur lui, il le jouera, toujours en quête de cette ivresse du pari qui se manifeste dans une tension du moment qui n’a pas d’égal de son point de vue. Au diable un pari perdant, d’autres suivront…
Ce que recherche Alex c’est la prise de risques et il en parle ouvertement. Il est lucide et a le recul nécessaire pour comprendre sa situation. Un résultat acquis, un pari sûr, n’a aucun intérêt pour lui. L’excitation, la jouissance repose sur le doute, l’incertitude du résultat; Plus ce résultat est incertain, plus le plaisir du jeu est grand, plus le shoot d’adrénaline est puissant, et plus la satisfaction d’une issue favorable sera importante. La logique d’Alex est celle de l’investissement permanent. Le gain n’est là que pour alimenter la cagnotte qui permettra d’investir à nouveau. L’argent à disposition permet de se payer de la prise de risque. Et même si elle n’est pas agréable, la perte envisagée car envisageable fait partie du jeu. Elle ne sera malheureusement en rien dissuasive…