Roman / “La chance du perdant“ De Christophe Guillaumot

Jeux d’argent et de hasard

Ce roman policier écrit par un capitaine de police à la SRPJ de Toulouse, et publié en poche aux Editions Points Seuil, nous plonge dans un univers que connaît bien l’auteur, à savoir le pari clandestin. Christophe Guillaumot, comme les deux protagonistes de son roman, fait partie de la section “courses et jeux“ affectée à la surveillance des paris légaux pour que les règles soient respectées, et à celle des paris illégaux pour poursuivre si nécessaire… Cette section “courses et jeux“ est assez méconnue car, quand il s’agit de lutter contre les trafics impliqués dans les problématiques d’usages ou comportements à risques addictifs, la brigade des stupéfiants lui fait de l’ombre. Difficile pourtant, comme on le voit très bien dans le roman, de dissocier parfois le trafic de drogues des autres trafics, tant les mafias sont multi-cartes, et tant ces trafics se dématérialisent en quelque sorte souvent en proliférant sur la toile…

Le récit commence par une scène étonnante, celle d’un homme qui semble s’être lancé, de grès ou de force, un ultime pari à savoir réussir à s’extirper à temps d’un container de compactage de bouteilles en plastique, et ce en pleine nuit. Malheureusement pour lui le bouton d’arrêt du mécanisme de compactage ne sera pas atteint à temps par le joueur qui se transforme très vite en victime… Deux policiers de la section des “courses et jeux“ s’intéressent à cette affaire qui, ressemblant a priori à une affaire de suicide, cache sûrement un business douteux, d’autant que d’autres affaires du même genre font surface et que le profil des victimes est le même, celui d’hommes ou de femmes ayant des dettes de jeu sérieuses. De plus, sur chaque scène de suicide, une même carte est retrouvée dans la main des victimes, celle de la dame de pique.

Cette section des “courses et jeux“ est dirigée par un jeune policier Jérôme Cussac, dit “Six“, mis au placard après avoir rencontré un problème à la brigade criminelle, problème qui lui a coûté un doigt. Il est accompagné de Renato Donatelli, un inspecteur bonhomme de presque deux mètres, originaire de Nouvelle-Calédonie, appelé “le Kanak“, et viré lui de la brigade des stups pour ne pas avoir accepté certaines pratiques douteuses. Tous les deux sont mutés dans cette section des “courses et jeux“ considérée comme peu valorisante car très rarement génératrice de trophées. Les deux inspecteurs, de bonne volonté, ont décidé eux de prendre leur travail, apriori rébarbatif, à cœur et souhaitent aller plus loin que la simple surveillance des cercles clandestins et paris truqués. Ils vont au front et décident d’agir. Ils comptent coincer le parrain local, Samuel Gotthi, dont ils sentent qu’il est mêlé à cette affaire de suicides de joueurs endettés. Bien entendu, au fil du récit, on apprendra que des personnalités importantes et des agents de la brigade des stups trempent dans un business peu glorieux, celui qui encourage l’addiction aux jeux d’argent d’une minorité cachée de joueurs, souvent dans le déni, et qui en font les frais.

Il s’agit bien en fin de compte, en opposition avec les trafiquants, non pas d’empêcher le plaisir du jeu mais de lutter contre l’addiction en contrôlant les paris et en faisant rentrer la prévention dans les casinos ou autres cercles de jeux légaux afin de limiter la casse, c’est à dire éviter que les joueurs entrent dans un cycle de l’addiction qui ne fera que vider inexorablement leur compte en banque. Les gains ponctuels, plus ou moins importants, ne faisant que renforcer le processus. Bien entendu cette problématique des addictions aux jeux de hasard et d’argent n’est pas réservée qu’aux joueurs de cercles clandestins, mais l’illégalité de certains circuits confronte le joueur à un univers mafieux qui sait comment faire pour entretenir une addiction et punir les mauvais payeurs…

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