Roman / “La Daronne“ de Hannelore Cayre

 

“La Daronne“ est le surnom donné à Patiente Portefeux, jeune veuve d’une petite cinquante d’années, par les dealers de quartier avec lesquels elle est en affaire pour leur vendre les centaines de kilos de cannabis qu’elle a sur les bras. Comment en est-on arrivé là ? Comment cette femme sans histoire peut-elle se retrouver mêlée à un tel narco-business ? C’est tout l’enjeu de ce roman de Hannelore Cayre, avocate pénaliste qui connaît bien son affaire quand il s’agit d’écrire sur ce milieu du trafic de stupéfiants, et qui profite sûrement un peu de donner la parole à cette quinquagénaire pour exprimer sa colère ou plutôt son désappointement quand il s’agit de politique de lutte contre ce trafic. « Quatorze millions d’expérimentateurs de cannabis en France et huit cent mille cultivateurs qui vivent de cette culture au Maroc. Les deux pays sont amis et pourtant ces gamins dont j’écoutais à longueur de journées les marchandages purgeaient de lourdes peines de prison pour avoir vendu leur shit aux gosses des flics qui les poursuivent, à ceux des magistrats qui les jugent ainsi qu’à tous les avocats qui les défendent. Du coup ils devenaient amers et haineux. […]. Tolérance zéro, réflexion zéro, voilà la politique en matière de stupéfiants pratiquée dans mon pays pourtant dirigé par des premiers de la classe. »

Patiente Portefeux (prénom donné à l’enfant car né à dix mois) travaille clandestinement, non pas pour un entrepreneur malhonnête, mais pour le gouvernement français par l’intermédiaire du ministère de la justice. Elle est traductrice-interprète judiciaire, et traduit depuis plusieurs années, de l’arabe au français, des milliers d’heures d’enregistrement de conversations de petits dealers de cités de banlieue. Elle est fille d’un pied noir tunisien (responsable d’une entreprise de transport qui acceptait quelques cargaisons dite additionnelles à ses convoies) et d’une mère juive autrichienne, mais maitrise parfaitement l’arabe, souvent bien mieux que les jeunes dont elle doit retranscrire les bouts de conversation maladroite, et dont elle a l’impression de connaître toute la vie, les codes et les combines au point de s’y attacher, du moins pour certains d’entre eux.

Voulant assurer l’avenir de ces deux filles et payer le coût exorbitant de la maison de retraite de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle décide de profiter de ce qu’elle apprend lors de ces écoutes, qu’elle sait aussi falsifier à l’occasion, pour faire détourner un go fast et récupérer par la suite le butin, c’est à dire une tonne deux de cannabis abandonné à une sortie d’autoroute, produit qu’il va falloir revendre, tout en assurant par la suite le blanchiment et surtout échapper à ceux qui cherchent à récupérer la quantité considérable de produit volatilisé dans la nature.

Patiente se joue de tout le monde pour s’assurer une retraite confortable et aider son entourage le plus proche pour lequel elle n’a jamais hésiter à se sacrifier en prenant les risques nécessaires. Même son compagnon, commandant à la brigade des stups, n’y verra que du feu.

Quand le système est ainsi fait qu’il tourne en rond et perd en crédibilité, il est difficile de s’étonner de son inefficacité et de blâmer ceux qui essaient de le contourner pour échapper à la morosité financière de leur porte-monnaie… Ou alors faut-il trouver des alternatives qui comptent et associent bien-être social, sécurité et prévention…

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