Série Télé / Wormwood de Errol Morris

 

Ce docu-fiction, d’une durée de quatre heures, du réalisateur Errol Morris, est diffusé sur la plateforme Netflix depuis le 15 décembre 2017, découpé en six parties pour nous permettre de respirer un peu tant le documentaire est dense. Il alterne entretiens filmés, images d’archives télévisuelles et journalistiques et scènes reconstituées avec une fiction qui essaie tant bien que mal de remplir les blancs dans cette enquête. Car ce documentaire est bien une enquête, ou plutôt une obsession, celle d’un fils Eric Olson qui cherche à comprendre ce qui est arrivé à son père Franck un certain 28 novembre 1953, défénestré du 13ème étage d’un hôtel Statler sur la 7ème avenue à Manhattan – New-York.

Ce jour de novembre 1953, la version officielle de la mort du scientifique américain, qui travaillait pour la CIA, est qu’il s’agit d’un suicide. L’homme souffrait depuis quelques temps d’une dépression qu’il était venu soigner auprès d’un psychothérapeute à New-York. Cette version du gouvernement passe comme une lettre à la poste. La famille s’en tient là. Le fils Eric n’était à l’époque qu’un petit garçon. Mais deux décennies plus tard, en 1975, la famille entière, c’est à dire la mère et ses trois enfants, sont invités à la Maison Blanche par le Président Gérald Ford qui leur présente ses excuses concernant la mort de leur mari et père vingt ans plus tôt. Franck Olson, biologiste et bactériologiste pour la CIA aurait été victime d’une sorte de bad trip suite à une absorption de LSD dans le cadre d’un programme de recherche sur des substances chimiques permettant de faciliter la révélation d’informations dans un contexte de guerre froide. Ce programme, appelé MK Ultra, consistait effectivement à travailler sur la manipulation mentale de l’ennemie grâce à différentes techniques, dont l’absorbation de puissants hallucinogènes comme le LSD. Franck Olson serait donc, dans le cadre d’une expérimentation en interne, et même à son insu, un des cobayes de ce programme, parmi tant d’autres malheureusement.

Pour ne pas que la famille poursuive le gouvernement, un arrangement monétaire est trouvé. La famille est dédommagée de la somme conséquente de 750 000 dollars.

Mais Eric Olson ne peut se résoudre à ce compromis, et poursuivra sa quête de vérité, persuadé que son père ne s’est pas suicidé, mais qu’on l’a bel et bien aidé à se défénestrer car il détenait des informations compromettantes sur l’utilisation d’armes chimiques lors de la guerre de Corée, informations qu’il aurait été prêt à divulguer.

Alors même si le documentaire ne donnera pas de réponse définitive sur ce mystère, mais plutôt des versions alternatives, sur ce qui a pu se passer dans cette chambre du 13ème étage de cet hôtel, difficile de ne pas imaginer le pire, sans tomber dans un complotisme mal-venu.

Une chose est sûre, le gouvernement américain a bien exploré les effets d’un hallucinogène comme le LSD, ceci à des fins de soumission chimique. Mais il ne s’agit pas dans ce documentaire de diaboliser ce produit qui n’est ici qu’un instrument de manipulation mentale dans les mains de service malintentionnés.
La série n’est pas une série sur les risques d’une prise de substances comme le LSD, mais bien plutôt une série qui traite d’une addiction à la vérité dont on comprend très vite que sa quête sera illusoire. Pour cette quête de vérité, Eric Olson, il le reconnaît, a sacrifié sa carrière, ses proches. Il y a même perdu son esprit, comme le Hamlet de Shakespeare auquel on fait référence tout au long du documentaire. Aucun élément de réponse ne le satisfait entièrement. Il en demande toujours plus, jusqu’à aller faire exhumer la dépouille de son père. Sa vie est centrée sur cette affaire, comme elle pourrait l’être sur un psychotrope. Et à plus de soixante dix ans, les entretiens se terminant en 2017, il continue à être obsédé par cette affaire…

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