CANNABIS / Evolution de l’usage de psychotropes après autorisation de l’utilisation médicale en Nouvelle-Angleterre

Certains Etats américains ont autorisé l’usage du cannabis pour raison médicale, tout en maintenant l’usage récréatif interdit. Les indications du cannabis médical sont essentiellement les douleurs. On attendait donc logiquement une substitution partielle par l’usage de cannabis des prescriptions d’opioïdes antalgiques.

Cannabis

 

Certains Etats américains ont autorisé l’usage du cannabis pour raison médicale, tout en maintenant l’usage récréatif interdit. Les indications du cannabis médical sont essentiellement les douleurs. On attendait donc logiquement une substitution partielle par l’usage de cannabis des prescriptions d’opioïdes antalgiques. Ces derniers sont en effet considérés comme responsables de dizaines voire peut-être même de centaines de milliers de morts par overdose aux Etats-Unis (voir précédents billets sur Addict’Aides).

Dans la revue anglaise The Journal of Psychopharmacology, vient de paraître une étude de pharmacoépidémiologie dans laquelle les auteurs (issus de différentes universités américaines) ont eu une idée très originale. Aller voir si les doses de traitements par opioïdes, mais aussi les traitements psychotropes au sens large, avaient été réduites chez les usagers de cannabis médical. Il s’agissait d’une enquête auprès d’usagers de cannabis médical, recrutés dans des dispensaires de l’état de Nouvelle-Angleterre. 1513 sujets ont ainsi été interrogés.

Parmi ceux qui recevaient préalablement des prescriptions d’opioïdes antalgiques, environ trois quarts d’entre eux déclaraient avoir réduit leurs doses d’opioïdes après initiation au cannabis. En outre, environ deux tiers des sujets traités par psychotropes pour anxiété, insomnie, ou migraine, rapportaient avoir diminué leur doses de traitements depuis qu’ils étaient traités par cannabis. Plus d’un tiers des sujets traités par antidépresseurs rapportaient également une baisse de leur traitement. Enfin, 42% des sujets rapportaient une baisse globale de leur niveau d’usage d’alcool.

Cette étude a de nombreuses limites. Elle est déclarative, prend des sujets divers, et ne les suit pas dans le temps. Néanmoins, ses résultats sont en phase avec ce qui est déjà connu et constaté en clinique. Les symptômes subjectifs, c.à.d. anxiété, dépression, insomnie, douleurs, …, sont très poreux les uns les autres, et les médicaments ou substances utilisés pour les diminuer sont également souvent au moins en partie interchangeables. On sait que les opioïdes sont parfois détournés pour soulager de l’angoisse ou des problèmes de sommeil. De la même façon, les anxiolytiques sont parfois utilisés de manière inappropriée pour soulager des douleurs.

Dès lors, quelle importance peut avoir cette étude qui suggère que le cannabis peut lui aussi trouver sa place dans le soulagement des maux du quotidien ? Après tout, cannabis ou opioïdes, quelle différence ? Eh bien, il y a tout de même quelque chose d’important à ces constatations. Bien sûr, le cannabis est vecteur de complications médicales et d’effets secondaires. Mais il n’induit pas par lui même de surdosages mortels, contrairement aux opioïdes voire même aux benzodiazépines. Dans une logique de réduction des dommages appliquée à la population générale, préférer le cannabis aux opioïdes pour certaines douleurs voire certains autres symptômes subjectifs devrait donc être une option thérapeutique à considérer, en prenant bien soin évidemment d’évaluer le patient, sa vulnérabilité psychiatrique, et sa symptomatologie globale.

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