Fumer (du cannabis) ou conduire, il faut choisir !

Un article paru dans Preventive Medecine

Cannabis

On entend souvent parler des risques de l’alcool au volant mais moins de ceux du cannabis au volant.

En France en 2016, si 28 % des accidents mortels en voiture étaient dus à l’alcool, 4 % étaient dus au cannabis1. Pour le conducteur, le cannabis multiplie pratiquement par deux le risque d’être responsable d’un accident mortel tandis que l’association cannabis-alcool le multiplie par 15 à 29 selon les études.

Baisse de vigilance, mauvaise coordination, allongement du temps de réaction, mauvaise évaluation des distances, modification de la profondeur du champ visuel, baisse de la concentration : autant d’effets méconnus du cannabis sur la conduite qui provoquent pourtant une augmentation du risque de collision fatale.

Ces effets peuvent en plus perdurer plus d’une heure après la consommation.

En Amérique du Nord, le cannabis est devant l’alcool la substance la plus consommée au volant, surtout chez les jeunes conducteurs (pour rappel, aux Canada et aux États-Unis, on peut obtenir son permis de conduire dès 16 ans).

Ainsi aux États-Unis en 2018, les 21-25 ans étaient les plus concernés par la conduite sous cannabis (12,4 %) devant les 16-20 ans (9,2 %).

Ces chiffres sont d’autant plus préoccupants que les moins de 21 ans ont déjà, en tant que conducteurs peu-expérimentés, trois fois plus de risque d’être impliqués dans des accidents mortels.

Si on sait que la façon de percevoir l’usage et les risques liés au cannabis influence le fait de prendre le risque de conduire après en avoir consommé chez les jeunes adultes, on dispose en revanche de moins d’informations concernant les adolescents.

Le but de l’étude présentée était donc de comprendre les facteurs de risque associés au cannabis au volant chez des adolescents canadiens.

L’étude a été menée avant la légalisation du cannabis au Canada, en 2017 auprès de 1 149 lycéens âgés en moyenne de 17 ans et ayant le permis de conduire. Ils ont répondu à des questionnaires anonymes.

On leur a demandé s’ils avaient déjà conduit sous l’emprise du cannabis ou de l’alcool pendant l’année, ou s’ils avaient eu d’autres comportements à risque en voiture (envoyer des sms en conduisant, ne pas mettre la ceinture). On les a aussi interrogés sur leur position concernant la légalisation du cannabis (pour ou contre) et leur avis concernant les risques liés à l’usage régulier. Un dernier questionnaire portait sur la dépendance au cannabis.

Les résultats montrent que 10 % de ces lycéens conduisaient moins d’une heure après avoir consommé du cannabis, et 3,5 % après avoir consommé de l’alcool. Le risque de conduire sous cannabis était beaucoup plus élevé chez les lycéens ayant une dépendance (c’était le facteur de risque le plus élevé), les hommes, les lycéens qui avaient conduit alcoolisés ainsi que chez ceux qui envoyaient des sms en conduisant.

Percevoir l’usage de cannabis comme étant peu risqué ou être favorable à une légalisation majorait le risque de conduite sous cannabis.

Face à ces chiffres, on peut être surpris de constater que les lycéens canadiens consomment plus de cannabis au volant que d’alcool au volant.

On retrouve cela aussi en France chez les adultes : en 2017, 2,1 % des conducteurs conduisaient alcoolisés et 3,4 % conduisaient après avoir consommé du cannabis. La moitié des conducteurs sous cannabis ou alcool avait consommé les deux produits1.

Les risques de l’alcool au volant sont connus et expliqués depuis de nombreuses années au grand public, notamment lors des campagnes de prévention diffusées via les médias ou les affichages publics. Certains slogans marquants sont ainsi bien connus de tous (exemple en France : « Sam, celui qui conduit, c’est celui qui ne boit pas », « Boire ou conduire, il faut choisir », etc…). Les conducteurs savent aussi qu’ils peuvent utiliser les éthylotests pour vérifier qu’ils sont bien aptes à prendre le volant s’ils ont consommé. Les plus jeunes ayant grandi avec ces messages de prévention, on pourrait penser qu’ils sont mieux informés des risques de l’alcool au volant et prennent plus de précaution.

Or, il n’est pas possible d’appliquer ces mêmes stratégies pour le cannabis du fait du statut illégal de ce produit. Les risques du cannabis au volant restent donc relativement méconnus du grand public, de même que la durée des effets sur la conduite.

Cela constitue aujourd’hui un enjeu important de santé publique en particulier dans le contexte actuel de la légalisation du cannabis dans plusieurs pays.

Rappelons que malgré le statut illégal du cannabis, la France compte aujourd’hui près de 1,5 millions d’usagers réguliers1.

1 Jean-Louis Martin, Blandine Gadegbeku, Dan Wu, Vivian Viallon, Bernard Laumon.

Cannabis, alcohol and fatal road accidents. PLoSOne. 2017; 12(11):e0187320. doi: 10.1371/journal.pone.0187320

2OFDT : Drogues, Chiffres Clés, 8è édition (2019)

Julia de Ternay, interne de psychiatrie-addictologie à Lyon

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