Impact de l’accès au cannabis sur sa consommation.

Cannabis

La consommation de cannabis (médicale et/ou récréative) de par le monde est très importante et concernerait 3,8 % de la population mondiale soit 188 millions de terriens âgés de 15 à 54 ans. La prévalence n’est toutefois pas uniforme à la surface du globe. Les plus élevées se trouvent en Amérique du Nord (13,8 %), Océanie (10,9 %) et Afrique (10,0 %). Pour rappel, la France est le champion d’Europe de la consommation de cannabis avec près d’un million de fumeurs quotidien.

Les auteurs rappellent que le cannabis est plus souvent utilisé chez les fumeurs de tabac que les non-fumeurs. Ceux qui fument le cannabis avec le tabac sont associés à de plus grands risques pour leur santé et le rôle addictif de la nicotine contenue dans le tabac joue dans l’addiction au cannabis et rend plus compliqué un sevrage.

Le cannabis est interdit dans la majorité des pays, mais de nombreux pays ont fait évoluer leurs réglementations. En 2019, une vingtaine de pays ont autorisé un usage médical avec accès restrictif (Australie, Royaume-Uni) ou large (Etats-Unis, Canada), tandis que d’autres (Amérique du Sud, certains pays d’Europe) l’ont décriminalisé. Quatre pays ont été encore plus loin en légalisant l’usage récréatif (Canada, Géorgie, Afrique du Sud et Uruguay) auxquels il faut rajouter 11 états américains et un australien. L’interdiction s’est donc grandement assouplie mais quelques pays (Moyen Oorient, Indonésie…) conservent une réglementation très sévère excluant toute utilisation.

L’objectif de cette étude est de montrer les différences entre fumeurs de cannabis vivant dans des pays assez permissif (Etats-Unis/Canada) et ceux pour qui l’usage est restrictif (Royaume-Uni et Australie). Dans ces quatre pays, les prévalences de fumeurs de tabac sont proches.

Méthode :

Il s’agit d’une enquête de cohorte réalisée en parallèle et en ligne dans 4 pays (USA, Canada, Royaume-Uni et Australie). Seuls les adultes étaient éligibles. Les comparateurs ont été recrutés sur les critères suivants : fumeur, ancien fumeur ou vapoteur de tabac/nicotine. Le tout en respectant les critères de panel (âge, sexe, région…). Toutes les données ont été récupérées en ligne et les participants ont été indemnisés. 10284 adultes ont répondu à cette enquête entre février et juillet 2018. Parmi ces répondants, 10035 avaient des données exploitables. Différentes données ont été recueillies (âge, sexe, niveau d’éducation, revenus). Une distinction entre fumeur quotidien et occasionnel a été faite ainsi que le niveau de consommation sachant que les hard smokers étaient peu nombreux donc ils ont été poolés avec les fumeurs moyens. La consommation de cannabis a aussi été évaluée tant sur la quantité que son mode de consommation.

 

Résultats :

Sur 10035 personnes, il y avait autant de fumeur de cannabis en Australie qu’au Royaume-Uni (21,5 %) mais ils étaient moins nombreux qu’en Amérique du Nord (USA 29,1 % et Canada 36,3 %). Globalement, les fumeurs sont majoritairement des hommes, jeunes et avec peu de revenus. 30,6 % rapportent une consommation dans les 12 mois contre 26,6 % quotidienne.

3134 personnes étaient des fumeurs de tabac et cannabis. Parmi ces personnes, 94,7 % des australiens fument quotidiennement du tabac contre 79,9 % des canadiens, 83,3 % des américains et 85,9 % des anglais. Concernant la dépendance au tabac, 54 % de ces usagers avaient une dépendance moyenne et seulement 5,2 % étaient des hard smokers. Les australiens étaient statistiquement moins dépendants (score HSI plus faible) au tabac que les ressortissants des 3 autres pays.

Concernant la consommation de cannabis, 41,9 % des australiens sont des consommateurs occasionnels contre 32,2 % des canadiens, 28,9 % des américains. A contrario, 40,2 % des américains et 35,2 % des canadiens consomment quotidiennement contre « seulement » 26,3 % des britanniques et 21,7 % des australiens.

Concernant les représentations sur la dangerosité des fumeurs de tabac/cannabis, 60,8 % de ces anglais pensent que fumer du cannabis est moins dangereux que du tabac contre 73,6 % des canadiens et 78,3 % des américains.

Concernant le mode de prise du cannabis, 92,3 % le fume avec quelques disparités entre pays (95,7 % des anglais contre 88,6 % des canadiens). Et dans la majorité des cas, mélangé avec le tabac.

Quels enseignements :

Plus l’accès au cannabis est autorisé et facile d’accès (Amérique du Nord), plus la population en consomme. C’est également le cas sur la fréquence de consommation. S’associe à cette consommation de cannabis, le tabac qui est également plus fréquente. Cet accès facilité entraine une perception de moindre nocivité de la part des usagers. Les auteurs rappellent les précédentes études qui corroborent toutes que plus l’accès est facilité, plus il y a de consommations. Ces résultats vont donc dans le même sens que les précédentes études. Or les dangers du tabac et du cannabis fumés sont nombreux. Pour rappel, le tabac tue chaque année 8 millions de personnes dans le monde pour un coup sociétal évalué à 1400 milliards de US$ qui inclut en plus des décès, les dommages physiques et psychiatriques causés par ces substances. Il est donc primordial, y compris dans l’usage thérapeutique du cannabis de promouvoir des utilisations non fumées et sans tabac. Se pose alors la question de la pertinence de la légalisation à visée récréative que certains pays ont adopté. Sur l’aspect santé publique, cela semble néfaste puisque ça facilite la consommation qui, pour le moment, est associée au tabac. Est-ce que l’aspect économique des taxes liées aux ventes de cannabis légalisés prime sur la santé ? N’est-ce pas une hérésie de légaliser le cannabis ?

Pour rappel, tous les professionnels de santé se doivent de lutter contre le tabagisme pour les raisons évoquées ci-dessus. Lorsque le patient souhaite continuer sa consommation de cannabis, il existe dans le seul but de la réduction des risques et des dommages, des vaporisateurs qui permettent d’extraire les constituants du cannabis pour avoir l’effet recherché par l’usager sans avoir à y ajouter du tabac (qui sera substitué si prise en charge de sa co-addiction) et sans combustion, ni CO. D’autres modes d’administrations (orale, sublinguale) doivent aussi être évalués puis éventuellement proposés.

Si la légalisation du cannabis récréatif est plus que discutable au vu des méfaits décrits, il ne faut pas pour autant exclure l’usage médical qui, dans certaines circonstances, peut apporter un progrès à certains patients en échec des thérapies disponibles. A ce propos, la France doit débuter prochainement une évaluation thérapeutique des cannabinoïdes qui exclura à juste titre la voie fumée.

Par Mathieu Chappuy

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