Ai-je envie de changer ?
L’ambivalence ressentie envers le jeu, entre attraction et répulsion, peut constituer une des premières difficultés à initier un changement. En effet, en décidant d’arrêter de jouer, il faut aussi accepter l’idée que vous ne gagnerez jamais le gros lot pour effacer toutes vos dettes. De plus, le temps occupé à penser à jouer, tenter de se refaire, est tellement important dans votre vie que vous pourriez sûrement vous demander comment occuper le vide laissé par l’arrêt du jeu.
Vous pouvez aussi avoir déjà tenté d’arrêter de jouer par le passé et avoir vu que vous n’aviez pas réussi à maintenir cet arrêt. En réalité, cela ne signifie pas que vous n’avez pas envie de changer, ou que vous n’avez pas de « volonté ». C’est toute la complexité de cette ambivalence. La question de la motivation, autrement dit la possibilité pour une personne d’entrer dans un processus de changement et de persévérer, est plus complexe encore dans les problématiques addictives.
Il existe plusieurs stades de motivation au changement, qui ne sont pas forcément consécutifs (c’est-à-dire qu’une personne peut ne pas passer par tous les stades) :
- La pré-contemplation : la personne ne considère pas avoir de problème lié à sa pratique de jeu.
- La contemplation : la personne a conscience d’avoir un problème de jeu, mais reste ambivalente, hésitant entre l’envie d’arrêter et l’inquiétude quant au vide que ça va laisser.
- La préparation : la personne a pris la décision d’arrêter ou de limiter sa pratique de jeu.
- L’action : le changement est effectif, la personne a mis en place des actions concrètes pour limiter ou arrêter sa pratique (par exemple, ne plus acheter de tickets à gratter).
- Le maintien : la personne tente de résister à la tentation et y parvient.
- La rechute : il est habituel qu’un joueur excessif rechute. Cependant, cette rechute ne remet pas tout en question. Les efforts accomplis précédemment n’ont pas été vains. En effet, il est possible d’analyser les causes qui ont conduit à la rechute et de s’appuyer sur les acquis précédents pour passer au stade suivant plus rapidement. En effet, en général en cas de rechute, la personne ne revient pas au stade de la pré-contemplation mais à un stade ultérieur.
Et vous, où vous situez-vous ?
Comment me motiver pour engager un changement ?
Il faut parfois attendre d’être contraint pour envisager l’arrêt du jeu. Mais il est possible d’opérer un changement avant d’« avoir touché le fond » : en arrêtant complètement de jouer ou en se fixant des limites pour retrouver le contrôle. Quoi qu’il en soit, la motivation est un préalable nécessaire à tout changement de comportement.
Après des années d’addiction, des tentatives infructueuses d’arrêt, il se peut que vous pensiez qu’un changement est impossible. Il existe deux types de motivation :
- la motivation qui ne vient pas de l’individu lui-même mais d’une intervention de l’extérieur (crainte de sanction, peur du regard de l’entourage, menace de séparation),
- la motivation venant de la personne elle-même, qui souhaite s’engager face à son addiction. Cette dernière motivation est essentielle, sinon le risque de se décourager est trop fort. Il n’est pas toujours facile de l’atteindre dans un premier temps, surtout en cas de déni, mais c’est une chose sur laquelle vous pouvez travailler avec votre médecin ou thérapeute.
Il est tout à fait possible que votre envie d’arrêter soit forte mais que vous ne sachiez pas par où commencer. Dans un premier temps, il peut être intéressant d’essayer de réfléchir sur la place qu’occupe le jeu dans votre vie, en termes de proportion par rapport au temps (physique et psychique) que vous consacrez à votre travail, vos loisirs ou votre famille / vos amis. En prenant le temps de dessiner sur un papier un cercle et les différents temps accordés à chaque domaine sous forme de ‘camemberts’, le temps passé à jouer et à penser au jeu pourront vous sembler disproportionnés par rapport aux autres domaines de votre vie.
Par ailleurs, la motivation à changer vient à la suite des conséquences négatives expérimentées du fait de la pratique de jeu. Il peut donc être intéressant, pour réussir à se motiver à changer, de dresser un bilan de votre pratique, et d’un changement de comportement (avantages et inconvénients pour chacun des deux), en prenant en compte les différents domaines de votre vie :
- familial, social, financier, professionnel, santé mentale…
- en incluant les éventuels impacts sur votre entourage.
Cette « balance décisionnelle » peut vous aider à faire un point sur les conséquences de la poursuite de votre pratique ou de sa modification (arrêt complet ou limitation de la pratique). Changer consiste à renoncer à une manière de fonctionner qui a longtemps été la vôtre : votre pratique de jeu s’est peut-être inscrite dans une recherche de solutions pour faire face à des difficultés qui n’ont pas pu se résoudre autrement comme la lutte contre l’anxiété, la solitude, l’ennui…). Il est important d’apporter un score à chaque avantage et inconvénient et d’en faire le total. En effet, pour vous motiver à changer, il est essentiel de ne pas sous-estimer les inconvénients qui peuvent être multiples et réellement gênants dans votre vie. Vous pouvez vous faire aider par vos proches pour compléter cette balance décisionnelle et bien identifier les inconvénients, dont vous n’avez peut-être pas toujours conscience. Cette balance décisionnelle pourra vous apporter un éclairage nouveau sur votre situation actuelle, en prenant de la distance.
Enfin, la prise de conscience du fait que le jeu est pratiqué non plus pour apporter du plaisir (gratification), mais plutôt pour faire face à des émotions négatives, souvent accentuées par les pertes (compensation), peut être déterminante pour vous motiver à changer. L’ambivalence entre des pensées contradictoires sur le jeu, en oscillant entre la conscience des émotions négatives engendrées par le jeu (anxiété, dépression, baisse de l’estime de soi, honte…) et le fait d’éprouver aussi de la nostalgie des moments de plaisir procurés par le jeu dans le passé, est souvent un frein au changement. La prise de conscience que le rapport au jeu est modifié, et que la pratique n’apportera plus ce qu’elle pouvait apporter (le deuil de la « lune de miel »).
Comment me faire aider pour engager et maintenir un changement ?
Pour mettre en œuvre le changement, vous pouvez vous appliquer certaines restrictions pour réduire la perte de contrôle : limiter l’accès aux moyens de paiement, vous engager dans des activités alternatives… Par ailleurs, dans le cadre de la législation, il existe en France un ensemble de mesures de protection qui peuvent vous aider à vous éloigner du jeu (interdiction de jeu, auto-exclusion des sites de jeu, modérateurs de jeu, curatelle…).
Cependant, la volonté de changer son comportement de jeu seule n’est pas toujours suffisante pour réussir à faire face à des envies de jeu très fortes. Affronter seul les conséquences négatives causées par le jeu peut aussi paraître insurmontable. Comme pour toutes les addictions, le risque de rechute est présent et commencer une démarche de soins permet de se préparer à un avenir plus serein et d’être mieux armé face aux tentations.
Il existe des professionnels spécialisés qui peuvent vous aider à initier et maintenir cette démarche de changement. De nombreux professionnels de santé peuvent vous accompagner dans les centres de soins en addictologie. Ces lieux vous accueilleront sur rendez-vous et vous permettront de faire un premier point sur votre pratique de jeu et, si vous le souhaitez, de mettre en place un suivi avec un professionnel qui vous aidera à modérer ou arrêter votre pratique des jeux d’argent et de hasard. En plus d’une prise en charge médicale et psychologique, une rencontre avec une assistante sociale peut également aider à revoir la gestion des biens, à constituer un dossier de surendettement le cas échéant…
Aller plus loin sur l’espace Jeux d’argent et de hasard
Informations, parcours d’évaluations, bonnes pratiques, FAQ, annuaires, ressources, actualités...
Découvrir