
Introduction
Nous avons eu l’occasion d’évoquer précédemment qu’en France, en 2022, 41,2% [39,1-43,4] des 18-75 ans ont déclaré avoir déjà expérimenté la cigarette électronique, proportion en hausse par rapport à 2021 (38,7%) (p<0,05).
En attendant la mise à jour des recommandations de la HAS sur l’arrêt de la consommation de tabac qui datent de 2014, rappelons que les traitements suivants sont à privilégier : les traitements de substitution nicotinique (patchs et formes orales), la varénicline (qui devrait bientôt être à nouveau disponible), le bupropion, ainsi que le soutien comportemental (entretien motivationnel, TCC). L’hypnose et l’acupuncture, sans être recommandées, peuvent être cependant proposées.
Objectifs de l’étude
Sarah Jackson, Jamie Brown et Lion Shahab, de l’University College de Londres (UK), viennent de publier une étude dans le Jama Network Open en janvier 2025.
Cette étude avait pour but de fournir des estimations à jour de la prévalence des différentes aides au sevrage tabagique et les associations ayant réussi à arrêter de fumer, de la position socio-économique.
Méthodologie
L’étude « Smoking Toolkit » (1) est une enquête mensuelle transversale effectuée auprès des ménages. Elle utilise une méthode hybride de probabilité aléatoire et d’échantillonnage par quota simple pour sélectionner un nouvel échantillon représentatif d’environ 1 700 personnes âgées d’au moins 16 ans en Angleterre chaque mois.
Les auteurs ont analysé les données transversales collectées au cours de la période allant de novembre 2006 (la première vague de données collectées) à juin 2024 (les données les plus récentes au moment de l’analyse).Les participants sélectionnés avaient déclaré fumer quotidiennement des cigarettes ou tout produit du tabac combustible ou occasionnellement au cours de la dernière année (ie les fumeurs au cours de la dernière année) et ayant fait au moins une tentative sérieuse d’arrêter de fumer au cours des 12 derniers mois.
Les aides suivantes ont été listées :
- la eCigarette,
- le tabac chauffé,
- les sachets de nicotine,
- les substituts nicotiniques achetés sans prescription,
- les substituts nicotiniques achetés sur prescription,
- la varenicline,
- le bupropion,
- les sites internet,
- les applications sur smartphone,
- les documents pour arrêter de fumer (flyers, livres),
- le livre d’Allen Carr (En finir avec la cigarette),
- le soutien comportemental en face à face,
- le soutien téléphonique,
- l’hypnose,
- aucune aide.
Les paramètres suivants (covariables) ont été pris en compte :
- l’âge
- le sexe,
- la catégorie socio-professionnelle (en 2 classes : plus avantagés/moins avantagés),
- le niveau de dépendance nicotinique (score de Fagerström simplifié),
- la durée du sevrage tabagique (< 1 mois ; 1-6 mois ; > 6 mois),
- le nombre d’essais de sevrages antérieurs.
Résultats
Les auteurs ont analysé les données de 25 094 participants (âge moyen pondéré : 38,7 ans ; 51,5 % d’hommes). Dans toutes les vagues éligibles, les données ont été collectées auprès de 77 372 fumeurs actuels (au cours des 12 derniers mois), dont 26 789 (34,6 %) ont déclaré avoir tenté d’arrêter au cours de la dernière année.
Plus de la moitié (55,8 %) des participants ont déclaré avoir utilisé au moins une aide au sevrage, lors de leur plus récente tentative d’abandon du tabac. Parmi eux, la plupart (85,5 ) ont utilisé une seule aide, tandis que 10,7 % en ont utilisé 2 et 3,9 % en ont utilisé 3 ou plus.
En étudiant la dernière vague (2023-2024), les aides au sevrage les plus fréquentes sont les suivantes :
- la eCigarette (40,2%),
- les TSN achetés hors prescription (17,3%),
- les sites internet (4,6%),
- les TSN sur prescription (4,5%),
- et aucune aide au sevrage (40,8%).
17,7% des participants rapportent un sevrage tabagique , entre 1 et 6 mois (48,6%) et plus de 6 mois (37,4%).
En ajustant sur les covariables (décrites ci-dessus), le recours à la eCigarette représente l’aide la plus efficace pour arrêter de fumer (OR = 1,95), alors que le recours aux TSN hors prescription n’est pas associé à une efficacité statistiquement significative (OR = 1,03).
Le soutien comportemental en face à face est une aide efficace (OR = 1,26), mais uniquement pour les personnes ayant une position socio-économique moins avantagée (professions manuelles qualifiées, semi-qualifiés et non qualifiés, chômeurs, veufs et veuves, travailleurs à temps partiel et les moins qualifiés) : OR = 1.59.
Parmi les participants qui déclaraient avoir eu recours à la eCigarette pour arrêter de fumer, 84,8% l’utilisaient encore lors de l’enquête. Quant à ceux qui utilisaient les TSN (hors et sur prescription), le tabac chauffé et les sachets de nicotine, ils étaient respectivement 38,8%, 40,6% et 24,4% à l’utiliser lors de l’enquête.
Conclusions
Dans cette étude menée auprès de fumeurs en Angleterre, même si une gamme de méthodes efficaces sont disponibles pour arrêter de fumer, de nombreuses personnes ont essayé d’arrêter soit en utilisant des formes de soutien moins efficaces, soit sans aucune aide. Les taux de réussite pour arrêter de fumer pourraient être améliorés en encourageant les gens à utiliser davantage les méthodes efficaces.
Références bibliographiques
1 Fidler JA, Shahab L,West O, et al. “The smoking toolkit study”: a national study of smoking and smoking cessation in England. BMC Public Health. 2011;11:479. doi:10.1186/1471-2458-11-479
Dr Philippe Arvers (1,2,3)
1 – Observatoire Territorial des Conduites à Risques de l’Adolescent (MSH-UGA)
2 – 7ème Centre Médical des Armées (76ème Antenne médicale de Varces)
3 – Institut Rhône Alpes Auvergne de Tabacologie (Lyon)
En savoir plus : www.jamanetwork.com.