L’accès au CBD sans prescription : état des lieux dans 9 pays du monde.

Cannabis

Introduction :

Une équipe australienne fait un état des lieux de l’accès sans prescription au cannabidiol (CBD) dans 9 pays du monde en date de mai 2020. Pour rappel le CBD est un des cannabinoïdes présent naturellement dans la plante de cannabis mais celui-ci ne possède pas d’activité psychoactive récréative à l’instar du delta-9-tétrahydrocannabinol plus connu sous le nom de THC.

Le CBD lui, a montré des effets thérapeutiques dans l’épilepsie, l’anxiété, la psychose et la douleur chronique à des doses en voie orale de l’ordre de 300 à 1500 mg. La tolérance est correcte jusqu’à à des doses allant jusqu’à 6 grammes.

Le CBD est essentiellement extrait de la plante cannabis sativa.

Parmi les produits, nous retrouvons du CBD dans une grande variété : huile, teinture, capsule, cristaux, pommade, baume, boisson, friandises, herbe dite « light cannabis » qui sera fumée ou vaporisée, e-liquide pour e-cigarette …

Tous ces produits non médicamenteux sont vendus à des doses de 10 à 50 mg pour les capsules et entre 50 et 100 mg/ml pour les huiles soit une utilisation très en deçà des posologies testées en médecine dans des médicaments.

Les auteurs soulèvent que l’usage non médical se fait à « faible dosage » tandis que l’usage médical ne montre une efficacité qu’à fort dosage dans les essais cliniques.

De précédentes études ont montré que des produits de CBD vendus librement (et donc non contrôlés par les autorités) contenaient parfois des dosages de CBD mais également de THC très différents de ceux affichés.

Du côté médical, un seul médicament de CBD (Epidyolex® pour certaines épilepsies) est commercialisé en Europe et en Amérique du Nord. Une autre spécialité contenant 50 % de CBD et 50 % de THC (Sativex® pour la spasticité dans la sclérose en plaque) est également commercialisée dans certains pays.

Concernant la réglementation internationale du CBD, l’Organisation Mondiale de la Santé a statué en janvier 2019. Le CBD n’est pas un stupéfiant s’il contient moins de 0,2 % de THC. Mais pour rentrer en application, cette recommandation doit être votée par les Nations Unies ce qui n’a pas été fait puisque les Nations-Unis ont reporté le vote en rappelant que chaque pays pouvait légiférer sur son territoire.

Par conséquent, certains pays l’ont fait, d’autres comme la France attendent…

En 2026, le marché des cannabinoïdes thérapeutiques mondial est estimé à 17 milliards de dollars.

Méthodologie :

Les auteurs ont pris les données disponibles (mai 2020) dans leurs pays à savoir : Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Etats-Unis, Canada, Allemagne, Irlande, Suisse et Japon.

Les données proviennent des sites internet gouvernementaux et des sites commerciaux des principaux vendeurs selon Google. Pour l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse et le Japon, les données proviennent de revendeurs physiques.

Résultats :

  • Etats-Unis : Pour rappel, il y a un millefeuille entre les lois fédérales et d’états. Mais 33 états autorisent l’usage médical du cannabis (THC et CBD) tandis que 15 autres n’autorisent que le CBD. 11 états et le District de Columbia ont légalisé le cannabis y compris en non médical. Enfin 16 états ont dépénalisé la possession de cannabis non médical.

Le CBD est disponible sous toutes ces formes, dans des dispensaires, dans des pharmacies (+ 1500) et bien évidemment sur internet. Les posologies journalières préconisées ne dépassent pas 100 mg par jour.

La réglementation est complexe car pour les médicaments, il doit y avoir moins de 0,1% de THC. En revanche, pour la culture, c’est autorisé s’il y a moins de 0,3% de THC (poids sec). C’est interdit comme complément alimentaire sauf dans certaines exceptions.

  • Canada : l’usage médical est autorisé depuis 1999. En octobre 2018, le cannabis (médical ou non) est légalisé (deuxième pays au monde après l’Uruguay) pour les majeurs et à une dose de moins de 30 grammes. Toute la chaine de production (y compris l’emballage) est encadrée et nécessite une licence fédérale. Des contrôles peuvent avoir lieux avec à la clé des amendes ou des suspensions ou retraits de licence. On retrouve donc toute la panoplie des produits avec différents ratios de THC et CBD. Si toute la chaine est organisée et contrôlée par l’état, on retrouve néanmoins sur internet des produits illégaux provenant de vendeurs (le plus souvent américains) ne disposant pas de licence au Canada. Les posologies journalières orales préconisées ne dépassent pas 150 mg par jour.

 

  • Allemagne : depuis mars 2017, le cannabis médical (THC et CBD) est autorisé sur prescription pour certaines pathologies. Cela concerne plus de 95 000 prescriptions en 2018. Le CBD « non médical » est considéré en janvier 2019 par la commission européenne comme un aliment et relève de la European Food Safety Authority (EFSA). Par conséquent, ils devraient obtenir une pré-autorisation. Bien que cette pré-autorisation ne soit pas compliquée à obtenir, les fournisseurs utilisent l’exception prévue au règlement de l’EFSA qui stipule que tout « nouveau » produit couramment utilisé avant 1997 ne nécessite pas de pré-autorisation. Le gouvernement allemand, considérant que le CBD possède des propriétés pharmacologique, demande à ce que ces produits disposent d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou d’une autorisation de complément alimentaire. A juillet 2019, aucune autorisation n’a été demandée et pourtant un an plus tard, de nombreux vendeurs, pharmacies et sites internet en vendent. Toutes les formes sont présentes et les posologies journalières orales préconisées ne dépassent pas 150 mg par jour. A noter qu’en juillet 2020, Cologne a décidé de supprimer tous les lieux de ventes (car aucun produit n’avait d’autorisation).
  • Irlande : depuis juin 2019 et pour 5 ans, le cannabis médical (THC et CBD) est autorisé sur prescription et pour certaines pathologies. Le CBD est autorisé et relève de la réglementation de l’EFSA. C’est-à-dire qu’aucune allégation médicale n’est possible. Malgré ça, on retrouve de nombreux produits sur internet, dans les pharmacies. Ici aussi, les posologies journalières recommandées ne dépassent pas 150 mg par jour.
  • Royaume-Uni : depuis novembre 2018, le cannabis médical est autorisé dans des cas particuliers. En plus de l’Epidiolex® et du Sativex® qui ont une AMM, certains médecins spécialistes peuvent prescrire dans le cadre du « projet 2021 » des produits à base de CBD non autorisés à 20 000 patients. Sinon, comme dans les autres pays européens, le CBD relève du complément alimentaire et est largement commercialisé dans des boutiques, pharmacies et sur le net. Tous les produits sont disponibles, et ici aussi les posologies recommandées ne dépassent pas 150 mg/jour, bien que l’huile la plus concentrée disponible soit annoncée à 920 mg de CBD par ml. D’un point de vue réglementaire, les autorités rappellent que toute allégation médicale relève du statut de médicament avec les autorisations adéquates. Ceci dit, compte tenu du départ de l’Union Européenne, les réglementations vont changer.
  • Suisse : le CBD est considéré comme un principe actif pharmaceutique. Il peut être prescrit et il est disponible sous forme de préparation magistrale en officine. Sinon, tout produit contenant moins de 1 % de THC peut être vendu légalement. Si le CBD est affiché comme complément alimentaire, il doit être autorisé. Dans les e-liquide pour e-cigarette, les concentrations doivent être non pharmacologiques et sans allégation médicale. Les produits sont disponibles partout et de nombreux suisses utilisent des huiles sans consommer de cannabis.
  • Japon : l’accès au cannabis médical n’est pas possible. Seul l’usage de la graine ou tige est possible. Par conséquent, le CBD disponible sans prescription est issu de ces parties de la plante. L’activité est très contrôlée et l’accessibilité en boutique physique limitée. On retrouve néanmoins quelques vendeurs en ligne.
  • Australie : Depuis 2016, la culture et la commercialisation du cannabis médical est possible sous réserve d’appliquer un cahier des charges (qualité et sécurité). L’usage médical (38 000 personnes à mars 2020) est donc autorisé tandis que le récréatif est toujours puni par la loi. En revanche, sans prescription, le CBD est illégal. Cependant, une modification législative est attendue pour fin 2020 avec une déclassification afin que le CBD (< 60mg/jour, maximum 30 jours, pureté > 98,0 %) soit en vente libre en pharmacie. C’est une demande forte des Australiens. Il n’y a donc pas de produit légal sans prescription à ce jour.
  • Nouvelle-Zélande : l’ouverture du marché a eu lieu en décembre 2018 en supprimant la restriction faite au CBD qui devait contenir moins de 2 % de THC. Au 1er avril 2020, une agence de l’état gère le cannabis médical (culture, importation, standard de qualité) sans gérer l’efficacité ou la vigilance. Il peut être prescrit par tout médecin et le CBD peut également être prescrit par les IDE. La dispensation se fait en pharmacie. Pour les produits non certifiés par cette agence, la prescription par un médecin est obligatoire. Un referendum sur la légalisation du cannabis est prévu le 17 octobre 2020. En attendant, le CBD est uniquement accessible sur prescription. Les auteurs rappellent qu’une étude néo-zélandaise a montré sur 253 patients une amélioration de la qualité de vie avec des posologies comprises entre 40 et 300 mg/jour.

Conclusion :

L’accès au CBD est très différent d’un pays à un autre. Il n’y a pas de consensus avec : des pays non ambigus (Canada, Suisse), ceux qui médicalisent uniquement (Australie et Nouvelle-Zélande) et enfin ceux (européens mais également américains) qui ne sont pas clairs où différentes agences/réglementations (alimentaire, santé) se télescopent. Il n’y a pas non plus de consensus sur la qualité puisque certains pays acceptent tout, tandis que d’autres se dotent de moyens pour imposer une qualité qui se rapproche le plus possible de la qualité pharmaceutique que nous connaissons avec les médicaments conventionnels.

En pratique en France, nous naviguons dans une zone grise où les règlements européens se télescopent. Le CBD est disponible sous toutes ses formes en boutique ou sur internet, mais la qualité des produits laisse parfois à désirer. Pour les patients et les professionnels de santé, il serait souhaitable que le CBD puisse être prescriptible (non remboursé) et disponible en pharmacie avec la qualité requise comme pour tout médicament.

Une expérimentation sur le cannabis thérapeutique avec différents ratios de THC et CBD est attendue mais COVID oblige, son démarrage est retardé d’au moins 6 mois. Et quoi qu’il en soit, cette expérimentation ne concerne que des indications spécifiques.

Un article de Mathieu Chappuy