Le cannabis : quels effets de la fumée sur nos poumons ?

Cannabis

Les risques pour la santé respiratoire liés à la consommation de tabac sont aujourd’hui bien connus des spécialistes et du grand public. Ils impliquent plusieurs pathologies sévères, dont certaines chroniques, telle que la Bronchopneumopathie Chronique Obstructive (BPCO) et le développement de cancers pulmonaires. Moins pointé du doigt, le cannabis inhalé présente pourtant de nombreux points communs dans sa composition à celle du tabac et contient les mêmes substances toxiques cancérigènes. Son effet délétère sur notre santé respiratoire est surveillé de près et pourrait constituer un enjeu majeur de santé publique et de prévention devant le grand nombre de consommateurs en France et dans le monde.

En 2019, le cannabis est la substance illicite la plus consommée en France, avec 18 millions d’expérimentateurs, 1.5 million de consommateurs réguliers et l’incidence (nombre de nouveaux consommateurs) la plus élevée d’Europe (1).

A la différence du tabac, le cannabis ne contient pas de nicotine mais du THC (tétra hydrocannabinol), une substance aux effets psychoactifs, ainsi que d’autres substrats cannabinoïdes. Le THC n’est pas considéré comme cancérigène par le Centre National de Recherche sur le Cancer (2), mais ce sont les combustibles contenus dans la fumée du cannabis qui le sont, tout comme dans la fumée du tabac : goudron, benzopyrène, benzathracène etc. Ces deux derniers composants, au fort pouvoir cancérigène, sont présents en plus grande quantité dans la fumée du cannabis que dans celle du tabac.

La façon particulière dont est inhalée la fumée de cannabis pourrait avoir une influence sur le risque de développer un cancer des poumons. Le risque cancérigène ne reposerait pas uniquement sur le produit lui-même, mais également sur son type de consommation et le niveau d’exposition des poumons à la fumée. C’est ce que révèlent les résultats d’une étude néozélandaise (3), qui soulignent que l’aspiration de la fumée est souvent plus longue et plus profonde que lors de l’inhalation du tabac. Des produits cancérigènes se retrouvent alors en plus grande quantité dans les poumons. L’absence de filtre sur le joint entraîne également une absorption de goudron plus importante que lors d’une consommation du tabac seul. Un joint ferait inhaler sept fois plus de goudron et de monoxyde de carbone qu’une cigarette (4).

Malgré des arguments théoriques et expérimentaux solides, les résultats des recherches cliniques sur le lien entre la consommation de cannabis inhalé et l’apparition de pathologies respiratoires, comme nous allons le voir, sont souvent contradictoires.

Une étude récente menée par une équipe américaine et publiée dans la revue scientifique CHEST (5) a comparé les résultats de plusieurs études probantes sur les effets du cannabis sur les fonctions respiratoires. Ils se sont particulièrement intéressés au risque lié à la survenue de cancer bronchique et de BPCO. Les résultats montrent une relation significative entre l’apparition des symptômes de BPCO et la consommation régulière de cannabis. Le cannabis aurait une action destructive sur le tissu pulmonaire, comparable à celle du tabac. En ce qui concerne son implication sur l’apparition de lésions cancéreuses, les résultats de l’étude incitent à la prudence. Le lien de causalité entre la consommation de cannabis et l’apparition de lésions pulmonaires cancéreuses n’est pas formellement établi, avec la nécessité de poursuivre la recherche.

Afin d’apporter des preuves sur l’impact du cannabis sur les poumons, il est nécessaire de réaliser d’autres études cliniques devant les résultats hétérogènes de la littérature actuelle. La recherche biologique expérimentale sur l’animal montre un risque du cannabis inhalé sur le poumon, non retrouvé de façon constante chez l’humain lors des essais cliniques. Ceci est en partie expliqué par des méthodologies de recherches trop faibles et des études souvent réalisées sur des patients jeunes dont les consommations sont récentes, avec une exposition à la fumée trop courte pour évaluer des conséquences respiratoires au long terme. De plus, la plupart des fumeurs de cannabis associent le cannabis et le tabac dans leur consommation, rendant difficile les études sur l’effet du cannabis seul sur les poumons.

Malgré cette absence de preuve formelle et de recommandation ferme, la prudence reste de mise, notamment pour les consommateurs réguliers, qui doivent être informés et sensibilisés par les professionnels de santé aux risques supposés du cannabis inhalé.

Par Léa Leclerc

 

Sources :

  1. Les consommations de substances psychoactives en population générale.
  2. Portail officiel d’information sur les risques de cancer liés à l’environnement | Cancer et environnement. Disponible sur: https://www.cancer-environnement.fr/
  3. Mehra R, Moore BA, Crothers K, Tetrault J, Fiellin DA. The association between marijuana smoking and lung cancer: a systematic review. Arch Intern Med. 10 juill 2006;166(13):1359‑67.
  4. HUSSET MJ. 3 joints = 1 paquet de cigarettes. 60 Millions de Consommateurs. avr 2006;(n°404):40‑4.
  5. Tashkin DP. Marijuana and Lung Disease. CHEST. 1 sept 2018;154(3):653‑63.