Couverture d’un single de 1970
Johnny Halliday avait 27 ans le 31 décembre 1970, date à laquelle la fameuse loi de prohibition des drogues en France était votée à l’Assemblée nationale. Le chanteur n’est pas mort d’une overdose d’opiacés à 27 ans comme son ami Jimmy Hendrix par exemple (le 18 septembre de cette année-là), mais d’une consommation importante et régulière d’une drogue légale, le tabac, comme malheureusement presque 80 000 personnes par an encore chaque année. Pour Johnny Halliday, c’est la longévité qui permettra au mythe de se construire, le temps que le tabac fasse malheureusement son travail mortifère. Ce produit, comme l’alcool, dépasse toutes les modes qui accompagnent certains psychotropes. Le tabac avance sans faire trop de bruit, lentement mais sûrement.
Quand il s’agit d’écrire sur le lien qu’un artiste entretenait avec les psychotropes, on a vite fait de réveiller la part de subversion que beaucoup de lecteurs recherchent, souvent associée aux rumeurs et mystères que l’artiste emporte malgré lui dans sa tombe. Et pourtant, quand il s’agit d’usage chez les musiciens ou autres personnages publics, les choses peuvent être assez simples, et ne mériter en rien qu’on en fasse tout un pataquès. Juste prendre le temps de désacraliser ou démystifier tout ça. Bref ! Partons de ce que Johnny a accepté de confier à ses proches, ou de raconter aux journalistes, pour faire un point définitif sur la question et qu’enfin, par la suite, il ne reste au lecteur, spectateur ou auditeur attentif que l’essentiel à retenir, à savoir son parcours de chanteur et comédien, qu’on apprécie l’artiste ou pas…
Johnny Halliday parle de ses consommations de stupéfiants aux curieux…
Johnny Halliday a eu l’occasion à plusieurs reprises de dire quelques mots sur sa consommation de produits psychoactifs. Bien entendu, la curiosité des journalistes tend naturellement vers les drogues illégales, puisque alcool et tabac sont le lot de tout un chacun visiblement et qu’ils ne semblent pas mériter qu’on s’y attarde. Il faut du croustillant, et rien de tel qu’une petite confession au passage sur la cocaïne, le cannabis ou autres stupéfiants.
En janvier 1998, le chanteur se confie par exemple, dans un long entretien au Monde, sur sa “vie de destroyance“ (néologisme issu de l’anglais “to destroy“ : détruire), comme il l’appelle. Il parle ce jour-là de sa poly-consommation passée et de sa consommation présente, sans se donner un genre, sans en faire une valeur Rock-and-Roll. Il raconte quel usage il en a fait dans le passé, et quel usage il en fait désormais, avec simplicité et beaucoup de distance. Ses années d’excès sont celles d’une époque où tout était possible et où tout était sujet à une expérimentation sans retenue : « Ténédron (?), Corydrane (amphétamine), cocktail Mandrax (Hypnotique) – whisky, Maxiton (amphétamine) injecté en intraveineuse », mais aussi opium à Bangkok « Je suis rentré dans un rêve, c’était un sentiment incroyable, un peu comme dans ces cinémas diffusant des films en relief, où l’on vous distribue des lunettes qui vous donnent l’impression d’être projeté dans le film. »
Concernant la cocaïne dont on lui a beaucoup parlé, voici ce qu’il en disait en 1998 : « Mais la cocaïne, oui, j’en ai pris longtemps en tombant de mon lit le matin. Maintenant, c’est fini. J’en prends pour travailler, pour relancer la machine, pour tenir le coup. Je ne suis pas le seul d’ailleurs. La poudre et le hasch circulent à mort chez les musiciens. Il n’y pas à s’en vanter, je n’en suis pas fier, c’est ainsi, c’est tout. Mais il faut bien savoir que nos chansons, on ne les sort pas forcément d’une pochette-surprise. »
Il a, confie-t-il, abandonné depuis longtemps sa vie d’excès. Son image s’est assagie. Ses consommations de stupéfiants sont désormais visiblement bien plus ponctuelles et circonstancielles qu’avant. Très récemment, dans un entretien télévisé, il avoue avoir enregistré défoncé, mais avoir jeté son travail à la poubelle le lendemain tellement il le trouvait mauvais. L’inspiration était là, mais la production peu concluante. Il explique que c’est la perte de contrôle de soi qui l’a toujours le plus gêné dans ses consommations.
En décembre 2012, dans Rock & Folk, il explique : « Je suis quelqu’un de raisonnable et de pas raisonnable. J’essaye tout, mais je m’arrête. J’ai tout essayé dans ma vie, c’est vrai. Mais je sais m’arrêter quand il faut. Par respect pour moi, pour les gens qui m’aiment, ma famille et mes enfants et puis parce que je ne veux pas mourir tout simplement ». Il a même abandonné l’alcool.
Johnny Halliday raconte ses partages psychoactifs avec d’autres chanteurs
Le chanteur a eu l’occasion de croiser la route d’un certain nombre de chanteurs-compositeurs dans sa jeunesse. Il associe sa consommation de psychotropes à celle d’un milieu dans lequel elle semblait inévitable. Question d’époque et de mode. Dans ce milieu, la drogue lui paraissait plus disponible que dans d’autres. Les tentations étaient donc plus fortes. Dans un entretien donné à Frédéric Beigbeder pour le magazine LUI en 2014, Johnny Halliday raconte : Jimmy Hendrix par exemple « A l’époque, il fumait quelques joints mais rien d’autre. », Jim Morrison « c’était deux Mandrax et un verre de whisky. C’est un somnifère assez puissant que tu prends avec de l’alcool. », John Lennon « Il voulait me faire essayer les buvards (LSD). Mais je n’ai jamais accepté. Par contre, j’ai mangé des champignons avec M… Qu’est-ce que je trouvais tout le monde gentil, après ! Et j’étais bien plus en forme que lui. J’aurais pu baiser un tronc d’arbre. » Le chanteur explique qu’à part la cocaïne qu’il a aimée, il n’a jamais succombé à l’héro, parce qu’il est hyperactif. Johnny Halliday avait cet instinct de survie que d’autres n’avaient pas, dit-il.
Au magazine Télérama il raconte cette même année 2014 : Jerry Lee Lewis « Il arrivait sur scène avec un magnum de whisky… Et puis, il avait un magnum de whisky qu’il sirotait pendant toute la durée de son set d’une heure et quart. A la fin, le magnum était vide. Je me demandais comment il tenait. Après le premier show, je vais dans la loge. Là, Jerry Lee avait une autre bouteille de whisky qu’il buvait sans discontinuer. Et deux heures plus tard, il remontait sur scène avec un nouveau magnum, plein, sous le bras et recommençait. Hallucinant. » Johnny Halliday explique que les consommations des jeunes des années 60, 70 ne ressemblait pas celles des jeunes d’aujourd’hui où « les incertitudes de la vie et le besoin d’oublier la peur matérielle de l’avenir » y est pour beaucoup dans les excès qu’il constate.
Mais “C’est la clope qui a tué Johnny“ !
Dans une interview à RMC, le journaliste Philippe Manœuvre n’hésite pas à dire frontalement que c’est bel et bien le tabac qui a terrassé Johnny Halliday. Le chanteur, qui n’a pas caché sa maladie déclarée un an plus tôt, allumait sa cigarette avec la précédente et a fumé pendant longtemps jusqu’à trois paquets par jour. Difficile de se voiler la face quand on sait que le chanteur s’est battu contre un cancer des poumons qui lui fut fatal. Quand Johnny Halliday a annoncé son cancer, il l’a fait en s’associant à ces milliers de français touchés par la même maladie. Car oui, malheureusement, et incontestablement, la mort du chanteur ne fait que cacher la forêt des dizaines de milliers de morts annuels auxquels la consommation tabagique n’est pas étrangère, et dont les familles portent le deuil dans l’anonymat le plus total. Et c’est tout aussi triste et déprimant que peut l’être pour beaucoup de Français la mort de Johnny Halliday. Les statistiques sont sans appel, c’est un fumeur régulier sur deux qui meurt à terme des suites de sa consommation si elle s’est prolongée dans le temps sans être stoppée. Entre dix et quinze ans d’espérance de vie en moins à cause du tabac, ce n’est pas négligeable.
Le tabagisme est la première cause de décès évitable en France ! Chaque année, depuis deux ans, le mois de novembre est affiché “mois sans tabac“ pour sensibiliser les fumeurs, leur entourage et les professionnels. Alors, pour lutter contre le tabagisme, rien ne doit être laissé de côté, c’est à dire aucun outil de réduction des risques et des dommages, ou d’aide au sevrage. Avis à tous les fans de tous les chanteurs du monde…