La légalisation de la vente et de la culture du cannabis dans certains États américains ne tient pas ses promesses : le marché illicite de cette drogue y est toujours florissant. Pis encore, les entreprises criminelles parviennent désormais à contourner la loi sans être inquiétées.
Mark Kleiman, professeur de politique publique à l’Université de New York et auteur de nombreux ouvrages sur les drogues, a conseillé l’État de Washington dans sa mise en œuvre de la légalisation du cannabis. Selon lui, le Canada rendrait service à la planète entière s’il trouvait une bonne façon de réguler le cannabis.
L’actualité l’a rencontré à New York.
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Près de trois ans après le début de la vente légale du cannabis dans l’État de Washington, le tiers du marché est encore illicite. Comment expliquez-vous cela ?
Le marché illicite survit pour deux raisons. Les trafiquants continuent à offrir du cannabis de moindre qualité, à meilleur prix et sans taxes. L’autre raison tient à l’inertie des policiers, qui n’en font pas assez pour sévir contre les revendeurs clandestins. La plupart des policiers ne tiennent pas à ce que la légalisation connaisse du succès, car ils y sont opposés. Cela dit, je pense que le marché illicite va chuter au fur et à mesure que les prix de la marijuana vont baisser.
Cette résilience du marché illégal vous inquiète-t-elle ?
Oui, car non seulement cela trahit la promesse de la légalisation, qui était de mettre fin aux activités illicites liées au cannabis, mais cela prive l’État de revenus fiscaux. Je le répète, les policiers doivent collaborer. Chaque arrestation d’un trafiquant se traduit par l’arrivée de nouveaux clients dans le marché légal. Mais je ne parviens pas à convaincre quiconque de cela…
Pourquoi avez-vous du mal à convaincre les intervenants du bien-fondé de votre point de vue ?
Les gens ne veulent plus avoir à se préoccuper de cet aspect de la situation. Sur le plan politique, une des promesses de la légalisation de la marijuana était que nous allions mettre fin à cette source d’illégalité, de criminalité, au sein de la société. Nous ne l’avons pas fait.
Comment les criminels pourraient-ils profiter de la légalisation du cannabis au Canada ?
La loi canadienne permet la culture de quatre plants par ménage. En principe, c’est une bonne idée. En pratique, c’est dangereux, bien que la limite canadienne soit raisonnable. Au Colorado, où la limite permise est de six plants par ménage, des entreprises criminelles sillonnent les milieux ruraux et paient les habitants ou les fermiers pour obtenir la permission de cultiver la limite permise de plants sur un coin de leur terre. Cette pratique est illégale, mais il n’y a aucun moyen de la détecter.
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