Quand le sport devient une addiction : "Il y a la détresse physique, mais la plus dangereuse, c’est la détresse mentale."

Pierre Houin, 30 ans, médaillé olympique en aviron, quadruple champion du monde et triple champion d’Europe, est l’un des rares sportifs à témoigner de son expérience de la bigorexie.

Addictions comportementales
Quand le sport devient addiction il y a la détresse physique mais la plus dangereuse c'est la détresse mentale
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Contrairement aux idées reçues, le sport peut lui aussi être un terrain propice aux comportements addictifs. La bigorexie, ou dépendance à l’activité physique, est une pathologie reconnue par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) depuis 2011.

Connaissez-vous la bigorexie ? Il s’agit d’une « dépendance à l’activité physique, résultant d’une pratique excessive du sport. » Ils sont peu nombreux les sportifs qui en parlent ouvertement. « Ce n’est pas que cela soit tabou », nous explique Pierre Houin. « C’est surtout que les sportifs de haut niveau en particulier ne voient pas le mal qu’il pourrait y avoir à faire trop de sport. »

Pierre Houin a 30 ans. Il est un très grand champion en aviron. Dix années de très haut niveau, champion olympique à Rio 2016, quatre fois champion du monde, trois fois champion d’Europe. Il a mis fin à sa carrière en 2021. Aujourd’hui, il est à la tête du club d’aviron de Toul en Meurthe-et-Moselle.

Il a été coordonnateur des équipements sportifs sur le bassin de Vaires-sur-Marne pour le comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Il continue de pratiquer et participe à des compétitions indoor.

Anorexie athlétique

Il est l’un des rares grands sportifs à vouloir partager son expérience liée à la bigorexie et plus exactement à ce qu’il nomme « l’anorexie athlétique » : « Quand on parle du sport et qu’on aborde la question de l’addiction, c’est souvent pour les produits dopants. Mais il y a aussi parfois une forme d’addiction. Je l’ai touchée du bout des doigts à un moment donné, en fin de carrière. Il y avait un poids à maintenir, donc un régime permanent et la pratique de la discipline qui exige un volume conséquent en termes d’entraînement. On a tendance à vouloir en faire de plus en plus pour être meilleur que les autres. On essaie de se laisser toujours un peu plus de marge sur la balance. C’est le moment où on peut basculer dans la bigorexie. »

Pierre Houin a eu la chance d’être bien entouré sur le plan personnel et familial en particulier. Sa compagne lui a fait prendre conscience des choses. « Je me suis rendu compte qu’il n’était plus nécessaire de m’entraîner autant. Pour autant, je continuais à pratiquer. Je me suis blessé. J’ai eu une fracture de fatigue alors que ça ne m’était jamais arrivé et que je m’entraînais moins. J’ai compris qu’il fallait que j’écoute mon corps. Juste avant, il y a eu diverses petites blessures. En y réfléchissant, on s’aperçoit qu’on a une forme d’irritabilité aussi qui s’installe quand on n’arrive pas à pratiquer le volume qu’on souhaite pratiquer. On le sait, le sport de très haut niveau comporte des risques. On doit écouter son corps. »

L’addiction est une pathologie

Pour le Dr Michaël Bisch, psychiatre addictologue, responsable du département d’addictologie au centre psychothérapique de Nancy, « l’addiction n’est pas une faute morale, c’est une maladie chronique qui a une forte composante environnementale ». Ceci est valable pour toutes les addictions.

Pour ce qui concerne les sportifs, les facteurs environnementaux peuvent exposer une personne avec des vulnérabilités individuelles, par exemple au risque de consommation d’alcool. Autre exemple : « si un sportif de haut niveau a un profil de tempérament à recherche de sensations fortes. C’est aussi pour cela, peut-être, qu’il a une compétence particulière dans un sport à sensations fortes. Ce tempérament de recherche de nouveautés, de sensations fortes, cela peut être une vulnérabilité individuelle. Il peut y avoir un terrain favorable à essayer des substances et donc avoir plus de risques d’y être addict. »

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