Dans ce récit publié aux Editions de l’Observatoire, Juliette Boudre raconte le combat au jour le jour d’une mère qui a dû faire face à l’addiction aux benzodiazépines de son fils décédé à 18 ans d’une overdose de Fentanyl®, opiacé synthétique considéré comme cinquante à cent fois plus puissant que la morphine, et qui fait des ravages outre-Atlantique depuis quelques années déjà.
Joseph est le frère aîné d’une fratrie de trois gars. Il vit chez sa mère divorcée et son beau-père. Il a toujours été attiré, depuis le début de son adolescence, par les rencontres à risques. Sa vie de collégien n’est pas des plus apaisée, alors sa mère l’envoie en pension en Angleterre. Suite à une crise d’angoisse qui accompagne une consommation de cannabis, le médecin local lui prescrit du Xanax®, un anxiolytique de la famille des benzodiazépines. Joseph y prend goût et sa consommation ne le lâchera pas de retour en France. Il consomme bien au-delà des prescriptions officielles qui essaient de réguler sa consommation, ou du moins de la contrôler. Il se “débrouille“ pour trouver les médicaments qui soulagent son manque et le mettent dans un état second accompagné d’une fatigue permanente due au manque de sommeil.
Sa mère fera tout pour l’aider à se détacher de produits dont il ne peut désormais se passer, avec cette angoisse permanente de la souffrance d’un manque dont il sait quelle peut être intense. Juliette fait le tour de toutes les solutions envisageables pour le sortir de son addiction : la surveillance assidue, l’éloignement familial, les thérapies et cures successives… Rien n’y fait. Malgré sa bonne volonté, Joseph n’arrive pas à contrôler sa consommation ou du moins jamais définitivement. Quelques jours ou quelques mois de sevrage successifs laissent penser au jeune homme, à sa mère et à son entourage que l’addiction serait peut-être derrière lui, mais c’est peine perdue, le produit lui fait toujours de l’appel du pied… Alors Joseph ment, ou du moins ne dit pas tout, à sa mère pour avoir un peu de répit et soulager sûrement un peu la peine maternelle. Juliette n’est pas seule dans son combat, mais se confie pas ou peu à son entourage sur ses inquiétudes permanentes. Elle se pose aussi la question des antécédents, le père de Joseph ayant eu des soucis avec l’alcool, et ayant été traité pour ça. Quoiqu’il arrive, la culpabilité est toujours présente, celle d’une mère qui ne saurait pas y faire. « Je ne parviens pas à avouer, même à mes proches, surtout à mes proches, que la situation est toujours inquiétante. Je ne supporte pas de diffuser une image de lui qui ne soit pas belle, je ne veux pas perdre le rôle de la bonne mère, non plus, celle qui a su mettre fin aux démons de son fils. Je berne, je trompe, j’entourloupe pour gagner du temps, en espérant qu’à la prochaine question qui me sera posée sur son état, ma réponse sera sincère. »
Une nuit, alors qu’il séjourne chez sa grand-mère, Joseph va faire un tour dans une fête foraine où on lui vend une molécule qu’il n’a pas l’habitude de consommer. L’overdose lui sera fatale. L’hospitalisation arrive trop tard malheureusement.
Ce récit est celui d’une mère qui tente modestement d’alerter l’opinion et en particulier les parents sur les risques d’une prescription trop précoce de benzodiazépines. Elle fustige les médecins qui, de son point de vue, ont pris à la légère ces prescriptions sans parfois se renseigner sur le parcours médicamenteux de son fils Joseph. Le cerveau adolescent est un cerveau en construction plus sensible aux drogues exogènes qui viennent bousculer son équilibre. Juliette veut que ça se sache et qu’on soit vigilant. Le récit est d’ailleurs accompagné de quelques informations brutes et simples sur les produits. Juliette nous fait vivre ici, au delà de la douleur d’une mère souvent démunie et d’un jeune homme qui ne demande qu’à aller mieux, la difficulté d’un parcours d’accompagnement qui doit être personnalisé, mais est loin d’être un long fleuve tranquille…