Un nouvel essai randomisé contrôlé montre l’efficacité de la vape pendant la grossesse et sa supériorité aux patchs nicotiniques pour le sevrage tabagique

Tabac

Le tabagisme chez la femme enceinte est un facteur de risques avéré pour l’enfant à naître et plusieurs articles y ont été consacrés sur le site Addict’AIDE. Un petit poids de naissance est constaté, même avec une à quatre cigarettes par jour pendant la grossesse ; cela suffit à limiter la prise de poids du fœtus. En effet, le retard de développement morphologique de l’embryon n’est pas rattrapé après le premier trimestre de grossesse. Sur le plus long terme, le tabac peut entraîner la survenue d’obésité chez les enfants et adolescents exposés.

Plus récemment, j’ai présenté une étude montrant que le sevrage tabagique doit être mis en place dès le projet de grossesse et doit impliquer le conjoint dans la même démarche, s’il est lui-même fumeur.

Plusieurs études ont montré que la vape était plus populaire que les traitements nicotiniques de substitution (TNS) pour arrêter de fumer (1, 2). En France, lors de leur dernière tentative d’arrêt au cours des deux années précédant l’enquête (Baromètre Santé 2017), 14,8% des fumeurs ou ex-fumeurs déclaraient avoir utilisé une cigarette électronique sans TNS, 11,7% des TNS sans cigarette électronique, et 2,8% une cigarette électronique associée à des TNS.

La vape est plus efficace que les TNS, selon les premiers essais cliniques effectués en population générale (3, 4).

Peter Hajek, professeur de psychologie clinique à l’université Queen Mary de Londres (UK), et collaborateurs viennent de publier les résultats d’un essai contrôlé randomisé comparant l’efficacité de la vape à celle des TNS dans le sevrage tabagique pendant la grossesse.

Cette étude s’est déroulée du 11 janvier 2018 au 07 novembre 2019, auprès de 23 hôpitaux anglais et d’une structure d’arrêt du tabac du National Health Service (NHS, le système de la santé publique du Royaume-Uni). L’inclusion concernait des femmes enceintes de 12-24 semaines (15,7 semaines en moyenne) voulant arrêter de fumer, sans préférence de la vape ou de TNS. Elles avaient un âge médian de 27 ans et fumaient 10 cigarettes par jour en moyenne. L’affectation à l’un des 2 groupes (vape ou TNS) a été fait par tirage au sort, et un test salivaire (recherche de cotinine) permettait d’objectiver l’arrêt du tabac en fin de grossesse. Un suivi téléphonique permettait de préparer les femmes enceintes à leur sevrage tabagique et de choisir la date d’arrêt (1er appel), de savoir si le sevrage tabagique était effectif à 4 semaines (2ème appel), en fin de grossesse (3ème appel). Un dernier appel téléphonique 3 mois après la naissance permettait de détailler les modalités de déroulement de la grossesse et la survenue éventuelle de complications pré ou post-natales.

1 140 femmes enceintes ont été incluses dans cette étude : 569 ont utilisé la vape et 571 les TNS.

Peu de femmes ont retourné le test salivaire objectivant le sevrage tabagique : 108 sur 196 abstinentes déclarées (55,1%), soit 66 vapoteuses et 42 utilisant les TNS.

Voici les principaux résultats de cet essai contrôlé randomisé :

Le taux d’abstinence en fin de grossesse ne diffère pas entre le groupe « vape » et le groupe « TNS » (6,8% vs 4,4%), avec un RR égal à 1,55 [0,95 ; 2,53], compte-tenu que certaines femmes du groupe « TNS » utilisaient aussi la vape !

En excluant ces dernières, et c’est le résultat majeur de cette étude, le taux d’abstinence en fin de grossesse est plus élevé dans le groupe « vape » que dans le groupe « TNS » (6,8% vs 3,8%), avec un RR égal à 1,93 [1,14 ; 3,26], soit une différence significative (p = 0,02).

L’arrêt total de la consommation de tabac autodéclarée à 4 mois est plus élevé dans le groupe « vape » que le groupe « TNS » (15,6% vs 10,7%), avec un RR égal à 1,45 [1,07 ; 1,97], soit une différence significative (p = 0,02).

L’arrêt total de la consommation de tabac autodéclarée en fin de grossesse est plus élevé dans le groupe « vape » que le groupe « TNS » (20,7% vs 13,7%), avec un RR égal à 1,51 [1,16 ; 1,96], soit une différence significative (p = 0,002).

L’existence d’un petit poids de naissance (< 2, 5 Kg) est moins fréquente dans le groupe « vape » que dans le groupe « TNS » (9,6% vs 14,8%), avec un RR égal à 0,65 [0,47 ; 0,90] soit une différence significative (p = 0, 01).

Les femmes du « groupe vape » sont plus nombreuses à poursuivre leur « traitement » que celles qui utilisent les TNS à 4 mois (39,9% vs 22,5% ; p < 0,001) et aussi en fin de grossesse (33,8% vs 5,6% ; p < 0,01).

 

Références bibliographiques

1 Carabello, R. S., Shafer, P. R., Patel, D., Davis, K. C. & McAfee, T. A. Quit methods used by US adult cigarette smokers, 2014–2016. Prev. Chronic Dis. 2017, E32 (2017).

2 McNeill, A., Brose, L. S., Calder, R., Simonavicius, E. & Robson, D. Vaping in England: An Evidence Update February 2021 (Public Health England, 2021).

3 Hartmann-Boyce, J. et al. Electronic cigarettes for smoking cessation. Cochrane Database Syst. Rev. 4, CD010216 (2021).

4 Myers Smith, K. et al. E-cigarettes versus nicotine replacement treatment as harm reduction interventions for smokers who find quitting difficult: randomized controlled trial. Addiction 117, 224–233 (2022).

 

Dr Philippe Arvers (1,2,3)

1 – Observatoire Territorial des Conduites à Risques de l’Adolescent (MSH-UGA)

2 – 7ème Centre Médical des Armées (76ème Antenne médicale de Varces)

3 – Institut Rhône Alpes Auvergne de Tabacologie (Lyon)

 

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