Si certaines dispositions ont déjà suscité d’importantes critiques, la création de plusieurs amendes forfaitaires délictuelles, dont une pour réprimer l’usage de stupéfiants, mérite également que l’on s’y attarde. Le gouvernement envisage, en effet, de modifier substantiellement cette procédure d’exception créée par la loi J212 pour consacrer un dispositif confus à la constitutionnalité douteuse.
Un droit d’exception
Sous le titre « Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l’amende forfaitaire », l’article 36 du pré-projet de loi de programmation sur la justice crée trois groupes d’amendes forfaitaires délictuelles qui viendraient s’ajouter aux deux cas déjà prévus par la loi J21 pour la conduite sans permis (C. route, art. L. 221-2) et la conduite sans assurance (C. route, art. L. 324-2)3. Plus précisément, l’amende forfaitaire délictuelle concernerait l’usage de stupéfiants (CSP, art. L. 3421-1), trois infractions relatives à la vente de boissons alcooliques aux mineurs (CSP, art. L. 3353-3), et trois infractions relatives à la carte de conducteur de transport routier : carte non conforme, n’appartenant pas au conducteur ou carte non insérée dans le chronotachygraphe du véhicule (C. transp., art. L. 3315-5).
Avec ces nouvelles infractions, l’amende forfaitaire délictuelle est aussi encourue par des personnes morales pour les infractions relatives à la carte de conducteur de transport routier et à la vente de boissons alcooliques à un mineur. Le casier judiciaire des personnes physiques comme celui des personnes morales est modifié pour permettre l’inscription des informations relatives au paiement des amendes forfaitaires ou à l’émission d’un titre exécutoire des amendes forfaitaires majorées pour les délits et les contraventions de 5e classe. Les fiches, qui ne sont pas mentionnées au B2, sont effacées au bout de trois ans en l’absence de nouvelle sanction. Enfin, pour les infractions au code de la route, le pré-projet prévoit que les mesures administratives de rétention et de suspension du permis de conduire ou d’immobilisation et de mise en fourrière du véhicule pourront être ordonnées même si l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire. Dans ces deux derniers cas, l’autorité administrative serait d’ailleurs dispensée d’informer le procureur de la République de la mesure.
Un dispositif confus
Loin de l’ambition de clarification affichée, le projet sème la confusion. On passera sur l’incohérence qui consiste à proposer au législateur d’étendre un dispositif qui reste purement virtuel depuis l’adoption de la loi J21. Les obstacles, tant techniques que juridiques, sont tels qu’aucun procès-verbal d’amende forfaitaire délictuelle n’a encore pu être dressé pour les infractions de conduite sans permis ou sans assurance4.
Au regard des principes du droit pénal, c’est l’échelle des peines qui se trouve bouleversée par cette « trouble procédure » de forfaitisation5. Le principe même de l’amende forfaitaire délictuelle qui ramène la pénalité des délits au niveau des contraventions est déjà discutable, mais le projet renforce encore ce travers puisque l’amende n’est pas la même selon les infractions. Si le texte est adopté en l’état, l’amende forfaitaire délictuelle couvrira un spectre qui commence à mi-chemin des contraventions de 2e et 3e classe et s’éteint à mi-chemin des contraventions de 4e et 5e classe avec trois « classes informelles » :
• Amendes forfaitaires délictuelles de première classe
300 € avec un montant minoré de 250 € et un montant majoré de 600 € pour la vente de boissons alcooliques à un mineur ou l’usage de stupéfiants par un majeur ;
• Amendes forfaitaires délictuelles de deuxième classe
500 € avec un montant minoré de 400 € et un montant majoré de 1 000 € pour conduite sans assurance ;
• Amendes forfaitaires délictuelles de troisième classe
800 € avec un montant minoré de 640 € et un montant majoré de 1 600 € pour conduite sans permis ou sans carte de conducteur pour un transport routier