Cinéma / “Le grand jeu“ de Aaron Sorkin

 

Ce film, diffusé sur les écrans de cinéma depuis début janvier, est inspiré d’une histoire vraie, celle d’une jeune femme, Molly Bloom, au nom et prénom tout droit sorti de fameux roman de James Joyce. Molly Bloom s’est fait connaître pour avoir organisé dans les années 2000 des parties de poker clandestin pour toute la Jet Set d’Hollywood, puis de Manhattan. Le film raconte les ambitions et aspirations de cette organisatrice de jeux, mais s’intéresse aussi à l’implication de joueurs aisés dans le jeu, en l’occurrence le poker avec, pour certains, des comportements addictifs dépassant largement le cadre du tapis vert à proprement parler. L’envie et le besoin ne s’arrête pas à la table de jeu…

Molly Bloom a commencé comme assistante d’un organisateur, s’est ainsi familiarisée avec le milieu pour, après avoir été licenciée, créer son propre business, business fleurissant qui lui permettra de s’enrichir sur le dos de clients prêts à engraisser ou soulager leur porte-monnaie de plusieurs milliers de dollars à chaque soirée. Mais l’aventure financière de Molly Bloom va se compliquer quand le FBI va mettre son nez dans ses affaires juteuses. Poursuivie par l’état américain, elle se défend en mettant en avant sa bonne foi concernant l’infraction soulevée, à savoir une rémunération illégale déguisée et une implication dans le blanchiment de l’argent sale de la mafia russe…

Nous n’avons pas affaire ici aux tripots mal famés de sous-sol sordides où des hommes viennent miser leur paye du mois dans une ambiance de fumée de cigare ou cigarette et vapeurs d’alcool. Non, dans ces parties privées, organisées par une hôte de marque, l’ambiance est feutrée, les hôtesses sexy, le décor lustré, le service aux petits oignons, les petits fours d’un traiteur de renom, et le champagne au frais. On se tient bien, on ne triche pas, on ne se fait pas humilier. Molly Bloom veille à ce que sa clientèle se sente bien, passe un bon moment, même si certains peuvent se faire dévaliser pour la soirée sans que la tension monte. Il faut dire que la mise de départ dépasse largement le salaire moyen d’un américain lambda. L’organisatrice n’est sensée se payer que sur les pourboires, sans réclamer un droit d’entrée ou prendre de pourcentages sur les gains, ceci pour rester dans la légalité.

Dans cet univers qui semble confortable, il y a les joueurs sûr d’eux, équilibrés dans leur vie personnelle et professionnelle, qui sont là pour prendre du bon temps avec tout le recul nécessaire pour accepter un soir de perdre plus que de raison. Mais il y a aussi ceux qui ont quelque chose à combler, ceux qui ont besoin de l’environnement et de la renommée des joueurs présents autour de la table. Il y a enfin ceux dont l’impact des gains ou des pertes est à la hauteur de leur implication dans le jeu et de leur soif de réussite financière ou personnelle. C’est là que la consommation de jeu peut prendre une tournure problématique : perte de maitrise dans le jeu, tensions, impossibilité de lâcher prise et de quitter la partie, endettement personnel de grande ampleur.

Et pourtant, ce n’est pas faute pour Molly, qui tient la baraque en se gavant de stimulants, de mettre en garde les joueurs sur les débordements possibles. Molly, même si elle fait de la “prévention“, se retrouve souvent en porte-à-faux. Elle finira par faire son mea culpa auprès de son avocat en mettant en avant et sa responsabilité dans l’impact et les conséquences du jeu chez certains de ses clients, et le risque de dévoiler leur identité. C’est la raison pour laquelle elle refuse, même si ça lui permettrait de sauver sa peau, de donner le moindre nom au FBI. Elle ne veut pas aggraver la situation de certains joueurs et la culpabilité qu’elle ressent déjà. La question mérite d’être posée : qui est le plus responsable de l’addiction ? Le jeu à proprement parlé, le cadre de jeu, ou l’organisatrice ? Pour répondre, encore faut-il connaître la mise, forcément près personnelle, de départ…

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