Le Japon a l’un des taux de prescription de benzodiazépines et de Z-drugs (zopiclone, eszopiclone et zolpidem) les plus élevés parmi les pays à haut revenu.1 Le gouvernement japonais a été critiqué pour son incapacité à lutter contre la double prescription rampante de ces médicaments par le biais de la pratique du « doctor shopping », par laquelle les patients se rendent dans divers établissements de soins de santé en déclarant faussement qu’ils n’ont pas été pris en charge par d’autres institutions médicales afin d’obtenir des prescriptions multiples.2
Malheureusement, le Japon ne dispose pas d’un système national de dossiers médicaux électroniques et les médecins ne sont donc pas en mesure de savoir si un patient s’est rendu dans d’autres établissements médicaux. Le nombre élevé de benzodiazépines et de Z-drugs disponibles sur ordonnance ou par le biais de ventes illégales de produits détournés pourrait contribuer à leur haut niveau d’utilisation abusive. Les raisons de la consommation élevée de benzodiazépines et de Z-drugs au Japon ne sont pas claires, mais pourraient être dues aux soins médicaux peu coûteux dans le cadre du système d’assurance maladie universelle, à l’absence de système de médecin de famille et à la facilité d’accès aux soins de santé, ce qui signifie qu’il n’est pas possible d’empêcher la consultation d’un médecin. Divers efforts ont été déployés dans de nombreux pays pour empêcher cette recherche du médecin traitant, l’un d’entre eux étant le partage des informations relatives aux ordonnances des patients. Toutefois, ces tentatives sont inefficaces si elles sont limitées à des régions spécifiques ou si les institutions médicales ciblées ne sont pas obligées de participer.3
Le 2 juin 2023, le gouvernement japonais a promulgué une loi visant à combiner l’utilisation de My Number – le système d’identification nationale du pays – et des cartes d’assurance maladie à partir de l’automne 2024. La nouvelle loi permettra aux établissements médicaux de tout le pays de consulter toutes les prescriptions antérieures des patients qui ont apporté leur carte My Number lors de rendez-vous précédents. Utilisé par les médecins ambulatoires pour obtenir des informations médicales détaillées, ce système devrait permettre d’éviter les doubles prescriptions. Cependant, à la suite d’une série de scandales, le public est préoccupé par les informations personnelles insuffisamment protégées et par la sécurité globale du système My Number, et la majorité de la population est toujours opposée à leur intégration à ce système avec leur carte d’assurance maladie.4 Le gouvernement japonais devrait informer correctement le public de l’ampleur de la consommation inappropriée de médicaments dans le pays et des avantages de cette réforme du système.
3. Kruse CS ; Kindred B ; Brar S ; Gutierrez G ; Cormier K
Health information technology and doctor shopping: a systematic review.
Healthcare (Basel). 2020; 8: 306
Depuis l’article original du Lancet Psychiatry : https://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366(23)00289-4/fulltext