La consommation régulière et prolongée de cannabis depuis l’adolescence est associée à de nombreux problèmes psychosociaux à l’âge adulte

Une étude parue dans le journal Addiction

Cannabis

L’usage de cannabis à visée récréative est aujourd’hui largement répandu dans le monde. Les pays qui légalisent le cannabis et ses dérivés sont parfaitement conscients des méfaits de ce produit. Souvent, néanmoins, l’accent est mis sur la période de l’adolescence, en raison des sur-risques de psychose associés à une consommation de cannabis chez les sujets à risque. Par contraste, on entend parfois que passé l’adolescence, la consommation régulière de cannabis est source de moins de problèmes. Cette étude récente parue dans Addiction pourrait rebattre les cartes.

On sait que, dans les pays où le cannabis est facilement accessible, la première consommation (« expérimentation ») se fait souvent à l’adolescence, et ce premier usage est influencé par des facteurs assez bien identifiés (influence des pairs, opportunités de consommation, facteurs familiaux et parentaux). A cette période, l’usage peut ou non devenir régulier et important. L’usage fréquent est en tout cas peu commun après 18 ans, la plupart des usagers ne devenant pas dépendants, ni même consommateurs réguliers. Ils adoptent un usage considéré comme peu risqué (c’est-à-dire causant relativement peu de dommages).

Toutefois, une petite partie des usagers va poursuivre une consommation importante, notamment au-delà de 18 ans. Or, des études ont montré que ce type d’usage se poursuivant à l’âge adulte était associé à des conséquences négatives impactant la sphère psychosociale (éducative, professionnelle), et la santé (altération de certaines capacités cognitives via des modifications structurelles et fonctionnelles du cerveau, développement de troubles mentaux). Les chercheurs tentent de repérer les individus à risque de suivre cette trajectoire, mais cela nécessite un suivi prolongé tout au long de la vie, et il n’existe que peu d’études ayant suivi des individus depuis la naissance dans ce cadre. C’est précisément ce que propose cette étude néozélandaise.

Dans cette étude, on a suivi plus de mille individus de leur naissance à l’âge adulte (jusqu’à 35 ans). Les objectifs étaient de classer les individus en plusieurs groupes selon l’évolution de leur usage de cannabis, d’identifier des facteurs susceptibles d’orienter cette trajectoire de consommation, et de mesurer les conséquences de cette dernière sur la santé mentale et le domaine psychosocial à l’âge adulte. Pour cela, des questionnaires ont été remis de façon régulière aux proches et aux participants pour évaluer plusieurs dimensions : les caractéristiques familiales et de l’enfance jusqu’à l’âge de 16 ans, l’usage de cannabis à partir de 15 ans, et les aspects psychosociaux et de santé mentale jusqu’à l’âge adulte (30-35 ans).

Les résultats montrent qu’on peut identifier six grands groupes de trajectoires différentes de consommation de cannabis jusqu’à 35 ans : les non-usagers ou usagers très occasionnels (62,3%), les usagers occasionnels (10%), les usagers mensuels dont la consommation diminue à partir de 20 ans (9,7%), Les usagers réguliers (au moins une fois par semaine) dont la consommation diminue après 23 ans (7,7%), les usagers réguliers (au moins une fois par semaine) à 30 ans (5,7%) et enfin les usagers chroniques/lourds avec un début d’usage précoce et une consommation à l’âge adulte d’au moins une fois par jour.

Certains facteurs étaient plus associés à la catégorie usage chronique/lourd de cannabis à l’âge adulte : le sexe masculin, une forte propension à la recherche de nouveauté, les troubles de conduite à l’adolescence, l’association avec des pairs incitant à la consommation, une instabilité des figures parentales dans l’enfance, l’usage illicite de drogues par les parents, les abus sexuels dans l’enfance.

Mais l’un des résultats les plus intéressants de cette étude est que l’existence d’un usage important et régulier de cannabis à l’âge adulte est associée à des dommages psychosociaux conséquents, à des troubles mentaux plus fréquents, et à des consommations d’autres substances plus fréquentes et ce, indépendamment des facteurs liés à l’enfance ou à l’adolescence. En d’autres termes, selon les données de l’étude, un usage régulier et important de cannabis à l’âge adulte serait en lui-même la cause de dommages psychosociaux et sur la santé mentale.

Les auteurs concluent en mettant en avant l’importance de reculer l’âge de la première consommation de cannabis et de limiter les expositions à l’adolescence, mais surtout en insistant sur la nécessité de poursuivre une politique de prévention et de réduction des risques et des dommages concernant l’usage de cannabis à l’âge adulte.

 

Par :

Julia de Ternay

Benjamin Rolland

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