Le rôle de la pair-aidance dans la prise en charge des addictions

Quelle que soit l’addiction, le patient concerné par un trouble addictif pourra souffrir d’isolement, lié notamment à la honte et la culpabilité ressentie quotidiennement. Or, rester seul(e) aggrave inévitablement la qualité de vie des patients. La meilleure alternative est de pouvoir échanger avec ses pairs, terme faisant référence aux personnes ayant eu un vécu similaire.

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Pair-aidant

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Quelle que soit l’addiction, le patient concerné par un trouble addictif pourra souffrir d’isolement, lié notamment à la honte et la culpabilité ressentie quotidiennement. Or, rester seul(e) aggrave inévitablement la qualité de vie des patients. La meilleure alternative est de pouvoir échanger avec ses pairs, terme faisant référence aux personnes ayant eu un vécu similaire. Bien que la pair-aidance (entraide entre pairs) ne soit pas une nouveauté dans le champ de la santé et de l’addictologie, il s’agit encore toutefois d’une approche innovante dans la prise en charge, notamment quand le travail de pair-aidant se professionnalise.

Retour sur sa définition, ses bienfaits potentiels et les lieux qui en proposent.

Le point avec l’Institut fédératif des addictions comportementales (IFAC)

Qu’entend-on par pair-aidance ?

Une personne ayant partagé une expérience similaire à la nôtre est communément appelée un pair. Le mot “aidant” vient compléter le mot “pair” pour renforcer cette idée de soutien. La pair-aidance repose ainsi sur l’entraide entre personnes souffrant ou ayant souffert d’une même pathologie. Elle est fondée sur l’expérience et les échanges réciproques plutôt que sur l’expertise professionnelle, il s’agit de l’« expertise expérientielle ». Le pair-aidant est donc le plus souvent un individu lui-même rétabli d’un parcours personnel difficile et qui a fait le choix de s’investir dans l’entraide auprès de personnes n’ayant pas encore atteint cet état de rétablissement.

Historiquement, dans le domaine des addictions, la pair-aidance est d’abord apparue en France au 18ème siècle, mais s’est développée dans les années 70 aux Etats-Unis, à une époque où les centres de santé communautaires sont apparus. Leur émergence a notamment fait suite au constat d’une absence de consensus sur l’efficacité des traitements dans le cadre des addictions. Les groupes de pair-aidance les plus connus à ce jour sont ceux des Alcooliques Anonymes.

Le pair-aidant (ou la pair-aidante) peut être une personne bénévole (dans le cadre d’une association par exemple) ou salariée/vacataire dans un service de santé mentale. Elle peut aussi exercer en tant que travailleur indépendant, mais ce statut reste plus rare en France. Le fait d’avoir recours à un pair-aidant rétabli permet un partage d’expériences face à la pathologie (par exemple face au « craving » [envie irrépressible de consommer un produit ou d’exécuter un comportement]), d’apporter de l’espoir (en montrant qu’un rétablissement est possible), mais aussi d’échanger sur le parcours de soins (diagnostic, suivi, difficultés rencontrées, motivation, etc.) et d’améliorer la communication entre soignants et soignés. Le pair-aidant est ainsi intégré fonctionnellement à l’équipe du service de soin, dans le cadre du projet de soins du service. L’entraide entre pairs présuppose une série de principes tels que le respect mutuel ou encore l’absence de jugement, ainsi qu’une démarche de développement des compétences des pairs-aidants dans la réalisation de leurs missions (formations, intervisions, etc.) pour professionnaliser cette pratique.

 Les bienfaits de la pair-aidance

Il s’agit tout d’abord de reconnaître que les pairs aidants ont des compétences et une expertise propres, de par leur vécu, qui sont complémentaires à celles des professionnels soignants et viennent enrichir l’offre de soin. Pour autant, le « pair-aidant » n’a pas pour fonction de se substituer aux services de santé mentale existants et intervient pour enrichir cette offre.

Les bienfaits potentiels de la pair-aidance sont à la croisée entre capacités d’empowerment (autonomisation ou pouvoir d’agir personnel dans une perspective de changement) et dynamique d’espoir.

En partageant son savoir expérientiel sans jugement, savoir qui va au-delà du simple témoignage, le pair-aidant va pouvoir favoriser une identification réciproque positive (je me reconnais dans mon pair et vice versa). Il va contribuer à une rencontre interpersonnelle (se sentir considéré(e) comme une personne et non comme un symptôme), encourager le travail sur la déstigmatisation (ce qui inclut également l’auto-stigmatisation), ou encore servir de « traducteur / médiateur » entre soignants et soignés (notamment en traduisant auprès des soignants les « codes » des patients et vice versa). L’apport du pair-aidant peut ainsi être bénéfique à la fois pour les patients, mais aussi pour les soignants, en réduisant la distance thérapeutique et en permettant aux soignants d’accéder à une compréhension plus fine du vécu expérientiel de la maladie. L’objectif est de favoriser l’empowerment, pour que le patient ait les clés nécessaires afin de puiser des ressources en lui-même et ainsi devenir « acteur » de son rétablissement.

Au-delà du travail de médiation et de partage d’expérience, le pair-aidant incarne qu’il est réellement possible d’aller vers un mieux, et ce modèle d’identification peut redonner de l’espoir aux patients, mais aussi aux professionnels de santé. Le pair-aidant est par ailleurs capable de reconnaître chez les patients certains signaux qu’ils ont déjà vécus eux-mêmes et son intervention s’inscrit également dans une démarche de réduction des risques. Le pair-aidant peut aider le patient à adapter ses comportements à ses besoins tout en essayant de limiter ses comportements à risque.

Enfin, par sa connaissance du réseau de soins et de l’accompagnement social, le pair-aidant peut aider à orienter, à faciliter le recours aux soins du patient. Il peut aussi aider l’entourage du patient à mieux comprendre la réalité du trouble vécu par leur proche, et également incarner l’espoir d’un rétablissement. Ainsi, pour les proches qui se sentent souvent impuissants, les pair-aidants peuvent les aider à mieux voir la pathologie de l’intérieur, ce qui peut ouvrir la voie à davantage de compréhension et d’acceptation.

Les différentes structures s’appuyant sur le concept de pair-aidance :

1.       Les forums de discussions en ligne

Sur Internet, il est possible de trouver des forums d’entraide, sur lesquels les échanges ont l’avantage de se faire de manière anonyme.

2.       Les services de soins

De plus en plus de structures de soin ont recours à des pairs-aidants. Vous pouvez interroger le service dans lequel vous êtes suivi pour savoir s’il y a un pair-aidant au sein de l’équipe et, si c’est le cas, demander à le rencontrer. Les pairs-aidants se forment de plus en plus professionnellement, en devenant « médiateurs de santé-pairs » après avoir validé un diplôme universitaire d’une durée de deux ans. Ce cursus permet aux utilisateurs des services de santé mentale qui le souhaitent de se reconvertir dans le domaine de l’aide et de la médiation en santé mentale. Il existe aussi le statut de « patient-expert » ; ce dernier passe également une certification et peut mettre en place des actions en faveur de l’éducation thérapeutique des patients.

3.       Les associations d’usagers

Il est possible, dans ces associations, de participer à des groupes de paroles. Il existe également des groupes de paroles à destination des aidants.

4.       Les groupes d’entraide mutuelle

Les groupes d’entraide mutuelle sont des lieux où sont proposées des activités pour les individus ayant des troubles psychiques. Ces associations, non médicalisées, sont gérées par des pairs-aidants bénévoles.

5.       Les Clubhouses

Ce sont des lieux d’activités non médicalisés, qui permettent aux usagers de préparer avec leurs pairs leur projet de réinsertion professionnelle.

Pour aller plus loin :

  • Associations :
  1. Clubhouses : https://www.clubhousefrance.org/nous-decouvrir/#implantations
  2. Les Groupes d’Entraide Mutuelle par département : https://www.psycom.org/sorienter/les-groupes-dentraide-mutuelle/
  3. Unafam (Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapés psychiques) : https://www.unafam.org/nous-connaitre/missions-et-organisation/lunafam-pres-de-chez-vous-0
  4. France Patients-Experts Addictions : https://fpea.fr/fpea/index.php/france-patients-experts-addictions-fpea/ (et localisation des patients-experts certifiés en bas de page : https://fpea.fr/fpea/index.php/france-patients-experts-addictions-fpea/france-patients-experts-addictions-2/cpea/ )
  5. Guide de la pair-aidance : https://srae-addicto-pdl.fr/wp-content/uploads/2023/06/Guide_reperes_PairAidance_SRAE-Addicto_2023_vdef.pdf

Retrouvez le guide pratique «Le rôle de la pair-aidance dans la prise en charge des addictions» sur le site de l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales (IFAC) du CHU de Nantes.