
Les traitements agonistes opioïdes (TAO), en particulier la méthadone et la buprénorphine, sont des traitements de première ligne du trouble de l’usage d’opioïdes, dans de nombreux pays, y compris la France et les États-Unis. En France, 80% des usagers d’opioïdes ont accès aux TAO et la mortalité liée aux opioïdes est faible. En comparaison, les USA font face à une mortalité massive liée aux opioïdes, et les structures de soins ne parviennent pas à initier ni à retenir efficacement les patients sous TAO. La manière dont les TAO sont proposés, notamment les objectifs et la culture des soins, a une incidence sur l’engagement des patients, la poursuite du traitement et les résultats obtenus. Cette étude interprofessionnelle réalisée en France a exploré l’approche des soignants français en matière de TAO , afin d’en tirer des recommandations pour améliorer la mise en œuvre des soins et des TAO aux États-Unis et ailleurs.
Les auteurs1 de cette étude ont recruté des participants interprofessionnels (médecins, pharmaciens, infirmières, administrateurs) provenant de divers milieux de soins de santé (CSAPA, hôpitaux, experts de santé publique) et de diverses régions. Ils ont mené des entrevues qualitatives semi-structurées approfondies. Ils ont ensuite procédé à une analyse thématique réflexive en utilisant une approche inductive au niveau sémantique, et en identifiant les thèmes qui avaient un sens pour les participants à l’étude et qui avaient des implications pour la situation aux États-Unis.
Au total, 21 professionnels français ont participé à l’étude.
Les professionnels français décrivent l’engagement du patient comme l’objectif principal des soins sous TAO, qu’ils présentent comme un vecteur d’attraction des usagers d’opioïdes vers les soins.
Ils estiment que le fait d’imposer ou d’attendre l’abstinence est néfaste et peut obliger les patients à mentir ou à « mener une double vie », ce qui génère de la méfiance, des occasions de soins manquées, et des « patients perdus » qui se désengagent des soins. Ils insistent également sur la nécessité de trouver un équilibre entre flexibilité et cadre. Ils considèrent, en effet, que la souplesse favorise l’accès aux TAO et l’engagement dans les soins, et que les cliniciens doivent intégrer dans leurs décisions les éléments du contexte immédiat des usagers, et ne pas appliquer des règles trop rigides. Par ailleurs, ils soulignent que les soins doivent être proposés comme un soutien, et non comme une punition ou un contrôle. Enfin, ils précisent que les pratiques qui donnent la priorité à l’engagement sont soutenues en France par les textes officiels et les recommandations professionnelles.
Ils considèrent que les pratiques et les politiques de soins liées aux TAO et centrées sur l’abstinence et le contrôle, sont inopérantes. Ils préconisent des approches qui donnent la priorité à l’engagement du patient, avec un compromis systématique entre cadre et flexibilité. Selon eux, ces recommandations sont essentielles pour atteindre des taux élevés de couverture par TAO pour les usagers d’opioïdes.
1Les auteurs :
Honora Englander
Professeur d’Addictologie à Portland, Professeure invitée à Lyon entre septembre 2023 et août 2024.
Benjamin Rolland
Professeur d’Addictologie à l’Université de Lyon, Médecin aux HCL et au Vinatier, Lyon
Marie Jauffret-Roustide
Chercheuse en Sociologie à l’INSERM et l’EHESS, Chercheuse Partenaire au Vinatier (Lyon)
En savoir plus : https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/29767342251324325