L’usage non médical d’opioïdes sur ordonnance à l’origine d’une altération des capacités d’empathie ?

L'usage non médical d'opioïdes sur ordonnance est devenu un problème majeur aux États-Unis et est également en augmentation en Europe. Cependant, on connaît encore peu de choses sur le fonctionnement neuropsychologique associé à cet usage, en particulier les capacités de cognition sociale, essentielles au fonctionnement social et à une prise en charge efficiente de la dépendance aux opiacés.

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L’usage non médical d’opioïdes sur ordonnance est devenu un problème majeur aux États-Unis et est également en augmentation en Europe. Cependant, on connaît encore peu de choses sur le fonctionnement neuropsychologique associé à cet usage, en particulier les capacités de cognition sociale, essentielles au fonctionnement social et à une prise en charge efficiente de la dépendance aux opiacés. Des études antérieures auprès de consommateurs d’héroïne et d’usagers d’opioïdes ont fait état de déficits de diverses fonctions cognitives, mais ces résultats sont probablement faussés par des maladies physiques et psychiatriques co-morbides, par l’hypoxie associée à un surdosage ou par la composition de l’héroïne de rue.

Par conséquent, des auteurs ont souhaité évaluer la cognition sociale et non sociale dans un échantillon de sujets ayant un usage non médical d’analgésiques ou d’antitussifs opioïdes. La cognition sociale inclut l’empathie et la perception des émotions, qui sont cruciales pour le comportement prosocial et les interactions quotidiennes. Bien qu’il existe différentes définitions de l’empathie dans la littérature, elle est communément décrite comme un concept multidimensionnel, qui peut être subdivisé et simplifié en une composante cognitive (empathie cognitive) et une composante émotionnelle (empathie émotionnelle/affective). L’empathie cognitive comprend les capacités d’adopter une perspective, de reconnaître les émotions et de comprendre les sentiments des autres sans nécessairement en faire l’expérience, tandis que l’empathie émotive implique de vivre subjectivement les sentiments des autres.

Vingt-trois individus avec un usage non médical d’opioïde de prescription objectivement confirmé par des analyses de cheveux et 29 témoins sains n’ayant jamais pris d’opioïdes ont été comparés en utilisant une batterie de tests neuropsychologiques.

Les auteurs ont mis en évidence des déficiences significatives entre les usagers d’opioïdes et les témoins concernant les domaines cognitifs de l’attention (p < .01, Hedge’s g = .85), la mémoire déclarative (p <.05, g =.66) et l’empathie cognitive globale (p <.01, g = 0.99) – cette dernière incluant les problèmes de reconnaissance des émotions par le visage, les voix, les scènes complexes. Pour rappel, le coefficient Hedge permet d’évaluer la taille de l’effet, interprété de manière conventionnelle comme petit (0,2), moyen (0,5), ou grand (0,8). Les concentrations d’opioïdes dans les cheveux transformées en équivalents morphine étaient corrélés négativement avec l’empathie cognitive globale (r = – 0,52, p < 0,01), ce qui suggère un effet dose.

Ainsi, à la différence des usagers de stimulants qui présentent principalement des déficits d’empathie émotionnelle, les consommateurs d’opioïdes semblent présenter des déficiences relativement sélectives dans les mesures de l’empathie cognitive. La relation dose effet suggère des déficits potentiels induits par les opioïdes et la participation du système opioïde aux processus d’empathie cognitive. Ces résultats sont à prendre en compte dans la prise en charge de la dépendance aux opioïdes, notamment en ce qui concerne le fonctionnement social.

 

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