Mort inattendue du nourrisson en lien avec une addiction maternelle au tramadol

Médicaments

La dépendance au tramadol (TR), antalgique morphinomimétique le plus prescrit en France, est une réalité : obtention illégale en augmentation (enquête OPPIDUM 2018, ANSM) et implication la plus fréquente dans les décès, directs ou indirects (par ex. par noyade) par antalgiques (49/119 décès de l’enquête DTA 2018, ANSM). Nous rapportons un type particulier de décès : celui d’un nourrisson (Mort Inattendue du Nourrisson ou MIN) en lien avec l’addiction au tramadol d’un parent en période de confinement lié à la pandémie de COVID-19.

En fin de journée, le beau-père d’un nourrisson de 11 mois lui donne un biberon confectionné avec un jus d’orange qu’il trouve préparé à l’avance dans le réfrigérateur. Ce nourrisson, qui présente alors une somnolence marquée, est mis au lit, et retrouvé décédé le lendemain. L’autopsie révèle une détresse respiratoire aigüe avec un syndrome asphyxique consécutif à un œdème pulmonaire pouvant être rattaché à une cause toxique. L’analyse toxicologique (chromatographie liquide avec détection par spectrométrie de masse haute résolution) des échantillons de sang, d’urine et de bile de l’enfant vont révéler du tramadol à des concentrations toxiques, la maman, présentant une addiction au tramadol, avait pour habitude de se préparer régulièrement des « jus » avec une plaquette de tramadol

Sur un plan médico-légal, il était bien entendu important de documenter le caractère a priori accidentel de ce décès. À cet effet, il a été également réalisé des analyses toxicologiques dans les phanères (ongles et cheveux) du nourrisson, de sa mère, du beau-père et de la grande sœur.

Les résultats (en particulier, ceux concernant les métabolites du tramadol) ont permis à la fois de confirmer l’addiction de la mère, mais également, d’écarter l’hypothèse d’administrations répétées de tramadol au cours des derniers mois au nourrisson décédé.

Ce décès, même si le comportement addictif de la mère s’est probablement accentué en cette période de crise sanitaire et de confinements associés nous rappelle que les pratiques addictives peuvent également présenter des risques pour les proches.

Carla Sciortino, Delphine ALLORGE et Jean-michel GAULIER

UF de Toxicologie – Centre de Biologie-Pathologie, CHU de LILLE