Psychothérapies des troubles de l’usage d'opioïdes : vers un modèle de soins par étapes

Médicaments

Introduction

Le trouble lié à l’usage d’opioïdes (TUO) se caractérise par un manque de contrôle de la consommation d’opioïdes entraînant une détresse psychologique, des déficits dans le fonctionnement interpersonnel et social. Le TUO est souvent associé à des comorbidités psychiatriques qui augmentent sa gravité. Ses conséquences sont dramatiques en termes d’augmentation de la morbi-mortalité. Pour le soigner, les médicaments spécifiques et les psychothérapies sont des outils essentiels de traitement et de prévention du suicide et des surdoses.

Cependant, il existe tellement de psychothérapies différentes qu’il n’est pas toujours évident de savoir quand et comment les utiliser. Elles seraient plus de 300. Si l’on s’en tient à celles qui bénéficient d’études contrôlées dans les addictions aux opiacés, le nombre diminue à 37 d’après une méta-analyse récente (Rice 2020). Cela reste un nombre toujours trop élevé pour être maitrisé par les cliniciens. Nous avons donc décidé de rechercher quelle psychothérapie pouvait être la plus pertinente pour 5 niveaux de sévérité différents : 1) Soin minimal, 2) Ambivalence aux soins, 3) Polyaddictions, 4) Pathologie duelle, 5) Comportements suicidaires.

Méthode

Pour cela, nous avons réalisé une revue narrative qui évalue le principe de la psychothérapie, le nombre d’études disponibles, son temps et son coût de réalisation, ainsi que ses modalités de formation. Chaque psychothérapie inclue avait au moins 2 études contrôlées. Dans notre revue, nous décrivons l’application de ces psychothérapies chez les adultes utilisateurs d’opioïdes, puis chez les adolescents. Ce travail nous a amené à proposer un modèle de soins par étapes qui fournit des informations pour aider les cliniciens à optimiser la sélection de stratégies psychothérapeutiques en fonction de la gravité du TUO des patients.

Résultats

Suite à ce travail, nous recommandons le conseil comme niveau de soin minimal pour augmenter les connaissances des patients sur leurs addictions et les médicaments adaptés (méthadone ou buprénorphine). En cas d’ambivalence aux soins, l’entretien motivationnel peut permettre d’augmenter la motivation intrinsèque des patients. Si la motivation intrinsèque est insuffisante dans un contexte de polyaddictions, le management des contingences a démontré son efficacité à augmenter la motivation extrinsèque des patients. Lorsque la problématique va au-delà et s’intègre dans une pathologie duelle, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) vise à identifier les cercles vicieux présents et à travailler des compétences de changement pour adapter les schémas de compétences à la vie quotidienne et aux troubles psychiques comorbides des troubles addictifs. Quand des comportements suicidaires sont associés, les patients rencontrent souvent des difficultés à envisager le changement, la thérapie comportementale et dialectique (TCD) permet alors d’équilibrer l’enseignement des stratégies de changement avec des stratégies d’acceptation.

Chaque niveau de sévérité supplémentaire correspond à un niveau d’engagement psychothérapeutique plus élevé en termes de ressources matériels et théoriques. Dans la littérature, le conseil nécessite généralement 20 minutes mensuelles par un médecin et plus ou moins 20 minutes hebdomadaires par un infirmier. L’entretien motivationnel est censé ne pas rajouter de temps. Le management des contingences rajoute environ 5 mn d’entretien 2 fois par semaine sur 3 mois et demi le temps de faire un test urinaire et de donner un renforçateur en cas de test négatif. La TCC nécessite généralement 30 mn à 1h hebdomadaire pendant 4 mois. Enfin, la TCD est la psychothérapie la plus intensive à mettre en place nécessitant 2h de groupe par semaine, 1h de thérapie individuelle, une consultation d’équipe d’1-2h par semaine et d’un soutien téléphonique en cas de crise.

Discussion

Selon l’évolution du patient, on peut proposer de passer à une étape de soin plus intense ou à une étape moins intense. Nous proposons que le conseil soit maitrisé par tout professionnel pouvant rencontrer des patients souffrant d’addiction aux opiacés, l’entretien motivationnel par des professionnels se spécialisant dans les addictions, le management des contingences et la TCC par des professionnels travaillant dans des centres spécialisés pour les addictions, et la TCD par des professionnels travaillant dans des centres universitaires. Cette organisation des soins permet d’éviter une dispersion des ressources et d’être au plus près du besoin des patients. Pour vérifier que ce modèle fonctionne en pratique, des études sont à envisager.

Amaury Durpoix, Laurence Lalanne

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