Traitement de la dépendance aux benzodiazépines

Un résumé de l'article de Michael Soyka paru dans le New England Journal of Medecine 2017.

Médicaments
Cet article explique les effets des benzodiazépines sur les différents systèmes neurobiologiques et pharmacologiques mais également sur notre organisme dont le risque addictif. Leur utilisation doit être d’une durée la plus courte possible (2 à 4 semaines maximum) sinon une addiction peut s’installer. Tout d’abord, il faut savoir que notre système nerveux dispose d’un système GABAergique caractérisé par des récepteurs au GABA qui comprennent 7 sous-unités dont certaines sont impliquées dans l’anxiété et d’autres dans l’induction du sommeil. Au niveau thérapeutique, il est important de considérer les profils « simples » et « complexes » (avec une addiction associée aux opiacés ou avec une pathologie psychiatrique lourde). En effet, il faudra, comme l’indique l’article, maintenir le traitement de substitution aux opiacés pendant la durée du sevrage aux benzodiazépines et également ajuster le traitement pour la pathologie psychiatrique (il est préconisé de maintenir voire introduire un traitement qui est à la fois thymo-régulateur et anti-convulsivant comme la Carmabazépine (Tégrétol®) à 200mg en deux prises par jour). A ce titre, pour traiter l’anxiété, il faudra préférer des anxiolytiques non benzodiazépines. Enfin, un processus pour réduire la consommation de benzodiazépines vers un sevrage durable est proposé. Cela doit se faire :
  • de façon très progressive en diminuant la dose totale de 10 à 25 % toutes les deux semaines et sur une durée de 6 à 8 semaines.
  • en basculant vers une molécule de longue durée d’action. Ici le DIAZEPAM (Valium®) est proposé.
Avis de l’expert Quels sont les points forts de cet article ? Cet article permet de comprendre la prévalence de consommation de benzodiazépines en Europe et aux USA (en hausse ces dernières années), ainsi que les modes d’action sur les différentes localisations de notre organisme. Chaque spécialité médicale concernée pourra alors mieux en informer les patients et prévenir de nouvelles dépendances à ces médicaments en limitant au maximum les primo-prescriptions. Il s’agit d’un article offrant des pistes pratiques pour les cliniciens qu’ils soient spécialistes ou généralistes, en expliquant les principaux signes de manque physiques (myalgies, crampes musculaires, spasme et syndrome pseudo-grippal) et psychiques (anxiété, agitation, troubles du sommeil, attaques de panique et labilité émotionnelle et thymique). Ancré dans la réalité de terrain, l’auteur évoque les pathologies duelles (addiction et psychiatrie) ainsi que l’addiction aux opiacés associée. Il propose une conduite à tenir intéressante et sécure pour les praticiens pouvant se retrouver en difficulté lorsqu’ils doivent prendre en charge des patients prenant à la fois des benzodiazépines et des opiacés ou étant sous traitement de substitution comme la méthadone ou la buprénorphine. Le rôle de la psychothérapie dans l’accompagnement global de ces patients est également souligné. Pourquoi diriez-vous que cet article est important pour les spécialités concernées ? Parce qu’il clarifie certains points encore peu ou pas assez connus pour bon nombre de praticiens sur le sujet de la pharmacodépendance. Il s’agit d’un des médicaments psychotropes les plus consommés en France et en Europe mais également outre-Atlantique. Les risques de ces consommations à court et moyen terme doivent être connus par les praticiens et doivent interroger régulièrement leurs patients au sujet des troubles du sommeil, de l’anxiété, des antécédents d’addiction, de l’automédication… Parcar cela peut générer des consommations de benzodiazépines. Sont concernés par la lecture de cet article, non seulement les psychiatres, mais aussi les médecins généralistes en première ligne des demandes, les neurologues et les pédiatres car seuls ces-derniers peuvent prescrire du Clonazépate dipotassium (Rivotril®). Les médecins du travail et les médecins du sport seront fortement confrontés à ces types de consommations. Enfin, les médecins de prévention peuvent être les porte-parole de la bonne utilisation, ou plutôt non utilisation de ces molécules. Enfin, il est noté dans l’article que les psychiatres sont ceux qui prescrivent le plus longtemps ces molécules, des informations d’autant plus intéressantes pour cette spécialité. Quelles en sont les limites / points faibles ? Il s’agit d’un très bon article avec de nombreuses références bibliographiques citées. Des informations de sciences fondamentales telles que la pharmacologie sont données dans l’article et on peut également y trouver des applications très pratiques. A mon sens, les schémas de réduction progressive de sevrage en benzodiazépines paraissent un peu rapides ; on observe fréquemment des durées pouvant aller jusqu’à douze mois. L’auteur précise la place de la psychothérapie dans l’accompagnement ce qui prouve tout de même qu’il ne s’agit pas seulement d’une publication purement axée sur la recherche mais une ouverture sur la pratique clinique comme l’annonce le titre. Cela est très appréciable. Enfin, il est recommandé d’utiliser des molécules comme la prégabaline ou la gabapentine. Cela est intéressant pour éviter les prescriptions de benzodiazépines, mais attention certaines molécules ont également un pouvoir addictogène, c’est le cas de la prégabaline (Lyrica®). Le rôle des services d’Addicto-vigilance n’est pas prêt de s’arrêter. Un article de Christophe Cutarella

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