Les jeux vidéo et le bien-être

Une étude menée par Niklas Johannes, Matti Vutorre et Andrew K. Przybylski de l’Université d’Oxford révèle la relation positive existante entre le sentiment de bien-être et le fait de passer du temps à jouer… aux jeux vidéo.

Jeux vidéo

Les auteurs ont interrogé plusieurs catégories de joueurs : 2 756 recrutés via une version du jeu Animal Crossing (la bataille de Neighborville) et 471 recrutés via une version du jeu Plants versus Zombies (New Horizons). Les données récoltées étaient à la fois subjectives (sentiment de bien-être, estimation du temps passé à jouer et motivations à jouer) et objectives au travers de la durée réelle des sessions de jeu.

Le caractère novateur de cette étude réside donc dans cette méthodologie reposant en partie sur des données objectives. Dans la plupart des études sur le sujet, le temps passé à jouer est estimé par chaque individu. La collaboration de Nintendo of America et Electronic Arts a permis pour la première fois à notre connaissance d’évaluer et de comparer le temps estimé et le temps réel passé à jouer, et leurs relations avec le bien-être.

Les résultats obtenus confirment la relation positive entre temps à jouer et sentiment de bien-être. Ils sont cependant différents en fonction de la mesure prise. Lorsque le temps subjectif est considéré, le lien avec le bien-être n’est significatif que pour Animal Crossing tandis qu’il est significatif pour les deux jeux lorsqu’il est objectif. On observe ainsi une relation positive et significative entre le temps à jouer et le bien-être même si la force de cette association est légère.

De n’avoir utilisé que des variables subjectives dans la très grande majorité des études sur le sujet a pu entrainer une mésestimation de l’influence positive des jeux vidéo, tout en favorisant une pathologisation du temps passé à jouer. Mis en parallèle avec les addictions technologiques dont celle aux jeux vidéo, cela nuance le consensus déjà établi autour de la symptomatologie et du diagnostic où l’utilisation excessive est l’un des critères principaux. On ne peut pas nier la relation entre temps passé à jouer et addiction (et à la symptomatologie qui l’entoure), et dans des proportions plus importantes et régulières que pour le bien-être dans l’étude détaillée ici. Les conséquences négatives sont davantage liées à la perte de contrôle et à l’abus des jeux vidéo ou de toute activité.

Néanmoins, le temps passé à jouer a toujours été évalué subjectivement, alors que d’autres études ont prouvé qu’il était un faible prédicteur et nécessairement biaisé. La recherche présentée ici révèle que les joueurs ont tendance à considérer un temps plus grand que le temps réellement passé, soit 2h de plus en moyenne. Et d’ailleurs, dans cette étude, les joueurs jouant objectivement le plus étaient également ceux rapportant les plus hauts niveaux de bien-être.

L’intérêt se porte alors sur l’influence des motivations à jouer dans la relation entre temps de jeu et bien-être. Les motivations explorées comprenaient la compétence, la relation aux autres (l’affiliation) et l’autonomie qui représentent trois grands besoins psychologiques, ainsi que les motivations extrinsèques et intrinsèques. Lorsque les motivations étaient intrinsèques (prendre plaisir à jouer), basées sur l’affiliation et l’autonomie, la relation entre bien-être et temps de jeu était positive mais lorsque les motivations étaient extrinsèques (jouer pour d’autres motifs incluant des pressions internes ou externes), la relation était négative.

Expérimenter autonomie et affiliation lors de sessions de jeu serait bénéfique. L’expérience de jeu contribue alors à ce que le temps passé à jouer apporte un sentiment de bien-être. Evidemment, certains éléments du jeu vont avoir des effets positifs, d’autres négatifs. Il faudrait alors pouvoir distinguer la limite à partir de laquelle un jeu (et ses possibilités d’expérimenter des satisfactions et du plaisir) représente davantage un risque qu’un bénéfice. La question devrait également concerner les caractéristiques individuelles des joueurs, au-delà de leurs motivations. Il est envisageable que certains joueurs expérimentent plus de bien-être car ils obtiennent un sentiment d’autonomie et d’affiliation, dont ils étaient potentiellement à la recherche. Cela n’empêche pas les motivations intrinsèques d’être présentes mais elles seraient couplées à des motivations extrinsèques, tels que se libérer d’état anxio-dépressif, d’un sentiment de solitude ou d’une faible estime de soi.

Malgré la stigmatisation des jeux vidéo depuis quelques décennies, nombreux sont ceux qui s’intéressent à leurs avantages. Pendant le confinement, l’Organisation Mondiale de la Santé a recommandé l’utilisation des jeux vidéo (pour maintenir une distanciation physique mais pas sociale) au travers de la campagne Play Apart Together. Plusieurs jeux vidéo thérapeutiques ou serious games ont été développés pour aider les personnes atteintes de maladies neurodégénératives, de bipolarité, souhaitant arrêter de fumer ou les enfants présentant un type de trouble du déficit de l’attention.

Les facteurs permettant d’expliquer l’émergence d’une addiction aux jeux vidéo nécessitent encore d’être explorés et considérés au travers d’évolutions sociétales, ceux qui influencent le bonheur semblent eux plus consensuels. En extrapolant les résultats de cette étude, utiliser les écrans par plaisir et en obtenant des satisfactions individuelles et interpersonnelles, sans non plus en perdre le contrôle, permettrait d’augmenter son sentiment de bien-être et par extension sa santé.

Par Stéphanie Laconi