Les écrans permettent de s’échapper d’une réalité parfois anxiogène, et aussi une forme de sociabilisation qui est aujourd’hui reconnue. Mais les enfants et les ados, plus autonomes, peuvent passer des heures sur leur téléphone portable ou leur tablette sans que les parents prennent la mesure de leur addiction. C’est ce qui est arrivé à Eric*, un père de Toulouse (Haute-Garonne) qui souhaite témoigner pour alerter les autres parents et les autorités.
France 3 : comment avez-vous pris conscience du problème ?
Eric : j’ai deux filles, ça concerne l’aînée. Ma fille a alors 15 ans, elle est de plus en plus sur son écran. C’est banal. Sauf qu’on constate qu’au fur et à mesure, elle est de plus en plus en retrait au dîner notamment, elle cherche à terminer rapidement pour aller dans sa chambre. En regardant son temps d’écran, je vois qu’il a augmenté de façon exponentielle.
Je me rends compte qu’elle joue à Genshin Impact, un jeu de plateau : une équipe se constitue, elle avance dans une quête et gagne des points. Pour ma fille, c’est devenu l’unique horizon. Le jeu écrase tout le reste. Jusque-là, il y avait un équilibre entre Tiktok, Spotify, Safari… Mais là, le temps disproportionné consacré à ce jeu et son comportement m’inquiètent.
Quand au bout d’un moment, la voir toujours sur son écran me fatigue, je la mets en sevrage. Le portable part au garage en mode avion et elle n’y a pas accès. Sauf que cette fois-ci, elle s’effondre !
France 3 : elle s’effondre ?…
Eric : Oui. Littéralement. Elle n’a plus faim, n’a plus goût à rien. Elle est complètement sonnée. Le lendemain, je la trouve en larmes sur le balcon de sa chambre, elle est complètement paumée, en pyjama alors qu’il fait froid. Prostrée.
J’ai des amis qui ont pris des drogues dures autour de moi quand j’étais jeune, je me retrouve face au même choc. Je me rends compte qu’elle est malade quand elle n’a pas son portable. On lui explique. Elle répond qu’elle ne peut pas faire ça aux autres. « Mes amis ne vont plus pouvoir compter sur moi ». Elle est brillante, les autres l’attendent.
Nous on ne sait pas qui sont ces gens, qui est derrière. Cela peut être n’importe qui. On prend conscience de l’emprise qu’exerce ce jeu. On a toujours refusé de payer des bonus pour que la quête avance plus vite, ce que proposent tous ces jeux. Elle a fait tout ça à l’ancienne en y passant 45 à 50 heures par semaine. Elle passait plus de temps sur le jeu qu’à l’école.
France 3 : vous ne vous attendiez pas du tout à ça ?
Eric : Non. ça a été une crise de manque violente. J’ai vu de la drogue dure, quelque chose de vraiment nocif ! J’ai pris conscience que sous couvert de jeu sympa, comme les 40.000 auxquels on a tous joué, se déroulait quelque chose de très insidieux et dangereux. La qualité de ce jeu et la pression de résultat qu’impose le groupe font qu’elle a été incapable de faire la part des choses. Elle était complètement noyée. C’était devenu l’enjeu de sa vie.
France 3 : comment votre fille s’est-elle sortie de cette addiction ?
Eric : ça a pris du temps. Elle a fini par accepter. Je lui ai rendu son portable quand elle a accepté de supprimer l’appli devant moi. Elle a fini par mesurer la disproportion de son investissement et l’état dans lequel ça l’a mise.
On se méfie des jeux maintenant. On a réussi à la sevrer. Je pense qu’on a de la chance d’avoir pu arrêter tout ça à temps mais cette expérience m’a choqué. Personne n’en parle. J’avais l’impression d’être le seul à avoir une fille camée à 15 ans.
J’avais connaissance d’une étude qui montre que quand on commence à développer un comportement addictif, le cerveau forme une place à cette addiction. Quand on en arrête une, une autre vient la remplacer. Donc on a décidé de supprimer très très vite cette addiction quand on s’est rendu compte.
Voir le témoignage au complet sur le site de France 3 régions