Jeu vidéo problématique et bien-être des adolescents : une comparaison entre pays

Bien que les taux de prévalence varient d’un pays à l’autre, le jeu vidéo problématique affecte le bien-être des adolescents, et ce indépendamment du temps passé à jouer et quel que soit l’environnement culturel. Une équipe internationale de chercheurs (Pays-Bas, Israël, Slovénie et Estonie) ont comparé la prévalence du jeu vidéo problématique et ses liens avec le bien-être de près de 15 000 joueurs de jeux vidéo âgés de 11 à 16 ans et venant de différents pays (Azerbaïdjan, Angleterre, Serbie, Slovénie, et Pays-Bas).

Autres addictions comportementales

Une synthèse scientifique réalisée par
l’Institut fédératif des addictions comportementales (IFAC).

Pourquoi avoir fait cette recherche ?

Les jeux vidéo sont de plus en plus populaires auprès des adolescents. On sait que 79 % des enfants et adolescents âgés de 6 à 14 ans pratiquent des jeux vidéo régulièrement en Europe. Pour une faible proportion d’entre eux, en augmentation ces dernières années, la pratique des jeux vidéo peut mener à une perte de contrôle sur le comportement et des conséquences négatives (comme des conflits avec la famille ou des difficultés scolaires). On parle alors de « jeu problématique », dont les symptômes sont similaires à d’autres types de troubles addictifs.

Des études ont été menées pour comparer les taux de prévalence (c’est-à-dire le nombre de cas pour une population déterminée) et ils divergent beaucoup d’un pays à un autre. Par exemple, un taux de prévalence de 0.7 % a été retrouvé aux Pays-Bas, contre 27.5 % dans une étude française. Ces divergences sont majoritairement dues à des différences de méthodologies entre les études, qui empêchent de faire des comparaisons fiables entre pays.

Quel est le but de cette recherche ?

La présente étude avait d’abord pour but de résoudre cette difficulté méthodologique en comparant les taux de prévalence estimés sur la base d’outils communs entre cinq pays et d’identifier d’éventuelles similitudes et différences interculturelles.

De plus, l’étude visait à étudier l’association entre le jeu problématique et le bien-être mental et social des adolescents, et de comparer ces associations entre les pays pour évaluer dans quelle mesure les différences culturelles influencent le lien entre le jeu problématique et le bien-être.

Enfin, il s’agissait de tester si la théorie de la normalisation s’appliquait dans ce contexte, c’est-à-dire si les comportements de jeu ne sont plus considérés comme étant problématiques lorsque la société finit par les normaliser.

Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?

Les chercheurs ont étudié un échantillon de 14 398 adolescents joueurs de jeux vidéo ayant répondu à une grande enquête en milieu scolaire (étude HBSC) dans 5 pays différents : Azerbaïdjan, Angleterre, Serbie, Slovénie et Pays-Bas.

Différents critères ont été examinés :

  • les symptômes du jeu problématique : conflits avec les parents, préoccupations, perte de contrôle… ;
  • le bien-être des adolescents, incluant la satisfaction de vie, les plaintes psychologiques (déprime, irritabilité, nervosité, troubles du sommeil) et le soutien par les pairs ;
  • le statut économique et social ;
  • l’intensité de jeu, c’est-à-dire le nombre moyen de jours et d’heures passés à jouer par jour aux jeux vidéo pendant une semaine.

De plus, l’équipe de chercheurs a vérifié la théorie de la normalisation en examinant si, dans les pays où le jeu fait partie intégrante de la culture des jeunes (c’est-à-dire avec un pourcentage de joueurs élevé parmi les adolescents), l’association entre le jeu problématique et l’impact négatif sur le bien-être était moindre. Autrement dit, si lorsque le jeu vidéo est très intégré dans le mode de vie, ses conséquences sont jugées moins négatives par les joueurs.

Quels sont les principaux résultats à retenir ?

Les résultats montrent que le taux de prévalence le plus important était celui de l’Azerbaïdjan (16.1 %), suivi par l’Angleterre (12.3 %), la Serbie (8.7 %), la Slovénie (6.7 %) et enfin les Pays-Bas (4.3 %).

L’étude confirme par ailleurs le lien entre le jeu problématique et l’impact négatif sur le bien-être social et mental des adolescents dans les 5 pays étudiés. Il faut souligner que le temps passé à jouer n’a pas d’incidence sur le bien-être psychosocial. Ces résultats permettent de souligner l’importance de bien distinguer le temps passé à jouer et les symptômes du jeu problématique pour la conceptualisation des troubles liés aux jeux vidéo, afin d’éviter que les gros joueurs soient forcément « étiquetés » comme des joueurs problématiques.

Enfin, les résultats de l’étude montrent que le lien entre le jeu problématique et le bien-être des adolescents ne dépend pas du contexte du pays : il n’est pas plus faible dans les pays où le taux de prévalence est le plus élevé, invalidant la théorie de la normalisation dans ce contexte.

Les points clés à retenir

·       Le jeu problématique est associé négativement au bien-être psychosocial des adolescents.

·       Le temps passé à jouer (l’intensité de jeu) n’a pas d’incidence sur le bien-être des adolescents.

·       L’impact négatif du jeu problématique sur le bien-être des adolescents ne diminue pas même lorsque la pratique des jeux vidéo est très intégrée à la société.

 

Plus d’informations sur cette recherche :

Van der Neut D, Peeters M, Boniel-Nissim M, Jeriček Klanšček H, Oja L, Van den Eijnden R

A cross-national comparison of problematic gaming behavior and well-being in adolescents

Journal of Behavioral Addictions. Mars 2023 (published online ahead of print 2023).

Lien : https://doi.org/10.1556/2006.2023.00010

Retrouvez la synthèse de l’article du mois « Jeu vidéo problématique et bien-être des adolescents : une comparaison entre pays » sur le site de l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales (IFAC) du CHU de Nantes

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