Méthadone : mésusages et nécessité de disposer de Naloxone

Un rapport de l’Agence nationale de sécurité du médicament analyse les usages, les détournements et la mortalité liée à la méthadone depuis 11 ans – Dépêche APM

Opiacés

Un rapport diffusé par l’ANSM avec Addictovigilance met en lumière de nombreuses données préoccupantes concernant la méthadone, un opiacé de synthèse utilisé comme traitement de substitution pour la dépendance à l’héroïne ou à d’autres opioïdes antalgiques. Il en résulte deux conclusions principales : la méthadone comporte de nombreux risques et il est indispensable de disposer de Naloxone. Selon le Ministère de la Santé, elle pourrait éviter 4 overdoses sur 5.

Usages, mésusages et dangers de la méthadone

Le rapport porte sur une période de 11 ans à partir de 2008, date de la commercialisation de la méthadone, déjà encadrée par des modalités d’accès très strictes.
En 11 ans, le nombre de consommateurs de méthadone a augmenté de 62% pour atteindre 65 573 patients. On constate aussi une très nette augmentation des mésusages (usages détournés, non-respect des prescriptions…) depuis 2017 avec 591 cas entre 2017 et 2019.

Les surdosages connaissent aussi une hausse pendant toute la durée du rapport avec de nombreuses complications sanitaires : coma profonds, arrêt cardio-respiratoire, encéphalopathies… La majorité des cas graves implique une autre substance psychoactive comme l’alcool, la cocaïne ou les benzodiazépines.

Les hospitalisations liées à la méthadone progressent également de façon constante entre 2004 et 2019 avec un taux 3 fois supérieur à celui de l’héroïne.  Le rapport du dispositif DRAMES (Décès en relation avec l’abus de médicaments et de substances) montre que le risque de décès lié à la méthadone est 8 fois plus élevé que celui en lien avec la buprénorphine. La prescription de méthadone requiert donc un suivi d’une extrême vigilance.

Obtention illégale de méthadone

De 2008 à 2019, selon les données du dispositif Oppidium (Observation des produits psychotropes illicites ou détournés de leur utilisation médicamenteuse), l’obtention illégale de méthadone augmente fortement avec 12.7% de l’ensemble des consommateurs l’ayant obtenu sans prescription. L’obtention illégale de méthadone est ainsi multipliée par 4 durant les 11 ans de l’étude issue du rapport de l’ANSM.

Le rapport pointe aussi un usage de la méthadone comme traitement de substitution antalgique et des prescriptions hors autorisation de mise sur le marché dans le traitement de la douleur.

Recommandations des auteurs du rapport

Malgré tous les mésusages et les complications que peut occasionner la méthadone, ce produit reste utile pour empêcher le surdosage d’opioïdes, mais il convient de l’administrer dans le cadre d’un protocole de suivi personnalisé qui nécessite beaucoup de vigilance.

Les auteurs recommandent pour mieux encadrer l’usage de la méthadone :

  • un groupe de travail pluri-disciplinaire pour « la mise au point et l’initiation au suivi du patient sous méthadone » pour établir des recommandations de prise en charge
  • des études plus approfondies sur les décès impliquant  la méthadone
  • un meilleur accès à la Naloxone pour éviter les surdoses.

Le rapport a été discuté par le comité « psychotropes; stupéfiants et addictions ». Un projet de décret de primo prescription de la méthadone était alors en cours de la part de la DGS. Il a finalement obtenu un vote défavorable. Un assouplissement des prescriptions de gélules en réduisant la période obligatoire sous la forme du sirop a cependant été approuvé.