Mise à jour de l’échelle de risque d’overdose aux opioïdes – ORBS-2

Opiacés

Préambule :

L’épidémie d’overdose aux opioïdes ne faiblit toujours pas aux Etats-Unis avec 50 000 morts en 2019 liées aux opioïdes.

Si les décès liés à l’héroïne et aux opioïdes obtenus sur prescription diminuent, ceux liés au tramadol et fentanyloïdes continuent de progresser plus vite que ne baisse les autres catégories. (https://www.cdc.gov/drugoverdose/epidemic/index.html)

Les auteurs rappellent qu’il est important de connaitre les facteurs comportementaux responsables de cette crise. Ces paramètres sont variables y compris géographiquement.

Introduction :

Pour aider les professionnels à évaluer le risque d’overdose (OD) de leurs patients/usagers, il est nécessaire de disposer d’outils validés. Actuellement on identifie les risques de mésusages, en identifiant ceux liés aux benzodiazépines ou à l’alcool par exemple, ou sur la base d’antécédents familiaux ou personnels d’addiction. Mais ces outils qui se basent sur les opioïdes prescrits uniquement ont une fiabilité limitée lorsqu’il s’agit de consommation d’opioïdes illicites.

Partant de ce constat, les auteurs de cet article ont développé entre 2014 et 2017, une échelle de comportement du risque d’overdose aux opioïdes (the Opioid Overdose Risk Behavior Scale) qui comprend un large éventail de questions liées à l’abus d’opioïdes sur ordonnance, ainsi que des sous-échelles portant sur l’héroïne et la polyconsommation en général.

Mais comme les consommations évoluent (moins sur prescription, plus sur des fentanyloïdes obtenus différemment que via les réseaux habituels d’héroïne…), les auteurs ont amélioré leur échelle et propose donc une version 2.

 

Méthode :

Ils ont inclus des usagers majeurs de New York qui consomment des opioïdes et qui avaient, pour confirmer leur déclaration, une analyse urinaire positive aux opioïdes (y compris 9 fentanyloïdes). Ils ont échantillonné pour avoir une représentativité (sexe, ethnie, géographique) et ont inclus 575 patients jusqu’en mars 2020 (recrutement initialement prévu à 600 mais stoppé à cause du COVID).

A l’inclusion (durée 2,5 heures, rémunéré 60$) : un questionnaire, une information sur les overdoses, une information sur le bon usage de la naloxone et fourniture d’un kit.

Concernant le suivi, celui-ci avait lieu chaque mois pendant 13 mois via un questionnaire en ligne (rappel par SMS et mail, rémunération 20$).

NB : les rémunérations étaient versées sur leurs cartes de crédit Visa « essai clinique » de l’étude.

Pour maximiser la rétention, les participants devaient donner, lors de l’inclusion, les contacts de leurs proches. Ceux-ci étaient sollicités (téléphone, SMS, e-mail) en l’absence de réponse au suivi sur une période de 60 jours. L’objectif étant que l’entourage rappel à l’usager de remplir son questionnaire de suivi.

Le questionnaire comportait 37 items et tous commençaient par : « Pendant combien de jours au cours des 30 derniers avez-vous… ». Certains items comme l’usage du kratom ou de la codéine/prométhazine ont été supprimés. Les questions concernant les OD non létales ont été extraites de l’échelle d’OD récente : RODES.

 

Résultats :

Sur les 575 participants, l’âge moyen était de 48 ans, 43 % étaient noirs, 29 % blancs, 28 % autres. Plus des deux tiers avaient un diplôme d’études secondaires ou moins (67%) et 30 % étaient actuellement sans-abri. En moyenne, ils ont débuté les opioïdes à 23 ans et 38 % déclaraient avoir déjà expérimenté une OD et 11 % dans les 30 derniers jours.

77 % (n = 443) des participants ont rempli au moins 1 suivi mensuel.

Lors des suivis, 217 (49 %) ont eu au moins une overdose. Les auteurs attirent l’attention sur le fait que les déclarations d’OD non létales sont plus fréquentes lorsqu’on suit les patients car ils oublient moins.

Après suppression des items jugés non pertinents, l’ORBS-2 en contient au final 26.

Toute la partie validation statistique est présentée dans l’article original et n’est pas résumé ici.

Concernant les overdoses non fatales, deux des 6 sous échelles ont montré un caractère longitudinal prédictif. Il s’agit des usages à risque non injectable et de l’association opioïdes/benzodiazépines.

Les mois où les participants ont déclaré avoir adopté davantage de comportements à risque dans les 4 sous-échelles (usage abusif d’ordonnance ; méthodes d’administration dangereuses ; utilisation de drogues injectables ; combinaison opioïdes/alcool), sont ceux qui ont démontré une plus grande probabilité d’OD ce mois-ci.

La sous-échelle (usages non injectables à risques) a démontré la prédiction la plus forte à la fois entre les personnes (les participants qui signalent ces comportements présentent un risque plus élevé au cours de l’année) et au sein de la personne (les participants sont les plus à risque les mois où ils réalisent ces comportements).

Étonnamment, les polyconsommations (utilisation de 2 à 5 drogues/médicaments sur une fenêtre de 6 h) ne prédisaient pas de manière significative une plus grande quantité de surdoses non mortelles auto déclarées.

 

Perspectives :

Cette échelle ORBS-2 est plus adaptée que la version précédente (moins de chevauchement entre les sous-échelles).

Elle permet d’identifier les personnes qui sont le plus à risques alors même qu’elles ne se perçoivent pas comme telles. L’injection est souvent considérée comme le plus risqué, ce qui n’est pas forcément le cas. De même, les consommateurs d’héroïne sont souvent considérés comme plus à risque versus ceux qui utilisent des opioïdes médicamenteux. La voie (sniffée ou vaporisée) est souvent considérée comme moins à risque que l’injection.

Or les résultats de cette étude montrent que non.

Dans les limites, cette étude a été faite à New York, or, le facteur géographique est important, son extrapolation à d’autres territoires et pratiques (dont l’usage des fentanyloïdes est plus ou moins répandu) sont différentes d’un territoire à un autre.

 

En conclusion,

ORBS-2 représente un inventaire théoriquement complet des comportements à risque d’overdose liés aux opioïdes, fondé sur de nombreuses recherches cliniques et sur le terrain. La notion de « risque d’OD » en tant que concept psychométrique unifié reste relativement nouvelle.

Son application en recherche permettrait de scorer le risque de la population étudiée. En pratique, elle permettrait de faire prendre conscience aux usagers que la voie injectable n’est pas la seule responsable des OD et servirait donc d’outil de communication dans la réduction des risques.

Mais sa validation en français pour la pratique française reste à faire. Et lorsque ce sera fait, reste encore à évaluer l’acceptation des professionnels pour une utilisation courante.

Par Mathieu Chappuy 

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