Tendances géographiques, temporelles, raciales/ethniques et démographiques des décès par overdose de fentanyl poly-substance aux États-Unis entre 2010 et 2021
Une étude publiée dans Addiction.
Opiacés
Aux USA, à l’instar de ce qui a été fait pour le COVID-19, on parle désormais de « 4e vague ». La première vague, apparue au cours des années 1990 et du début des années 2000, était liée aux prescriptions médicales d’opioïdes, notamment d’oxycodone. La deuxième vague, observée vers 2010, a consisté à un remplacement des opioïdes prescrits par de l’héroïne, lorsque les autorités ont serré la vis des prescriptions. La troisième vague, apparue à la fin des années 2010 et début des années 2020, a vu le fentanyl de rue et ses dérivées prendre la prédominance sur les usages, avec un effet encore plus dramatique sur les overdoses. Depuis quelques années, on parle de quatrième vague, car à l’usage des fentanylés s’est vu associé progressivement un co-usage de psychostimulants (cocaïne et amphétamines).
Ici, les auteurs ont voulu précisément étudier la transition entre troisième et quatrième vague, pour voir comment cela affecte les décès par overdose. Pour cela il été important de caractériser les substances co-impliquées dans les overdoses mortelles impliquant des opioïdes synthétiques (principalement aujourd’hui des analogues du fentanyl fabriqués illicitement). Ils ont donc regardé tout cela par année, par état, et par groupes sociodémographiques intersectionnels, au sein des registres nationaux des décès américains, entre 2010 et 2021. Ils ont mesuré les pourcentages de toutes les intoxications mortelles impliquant des fentanyls, des stimulants et d’autres drogues, et regardé les substances les plus couramment co-impliquées dans les surdoses de fentanyl, par État et par année, ainsi que les pourcentage de surdoses mortelles de fentanyl impliquant des stimulants, par État et par année, et les pourcentages de overdoses mortelles de fentanyl impliquant des stimulants par région, race/ethnie, âge et sexe.
Les résultats montrent que le pourcentage de décès par overdose aux États-Unis qui implique à la fois du fentanyl et des stimulants est passé de 0,6 % (n = 235) en 2010 à 32,3 % (34 429) en 2021, l’augmentation la plus forte ayant été enregistrée en 2015. En 2010, le fentanyl était le plus souvent associé aux opioïdes sur ordonnance, aux benzodiazépines et à l’alcool. Dans le nord-est, cette situation a évolué vers une implication conjointe de l’héroïne et du fentanyl au milieu des années 2010, et presque partout vers une implication conjointe de la cocaïne et du fentanyl d’ici à 2021. Dans l’Ouest, et dans la majorité des États du Sud et du Midwest, c’est la co-implication méthamphétamine-fentanyl qui prédomine en 2021. La proportion de stimulants dans les décès par overdose dus au fentanyl a augmenté dans pratiquement tous les États entre 2015 et 2021. L’analyse intersectionnelle des groupes révèle des taux particulièrement élevés chez les personnes âgées noires et afro-américaines vivant dans l’Ouest.
En conclusion, en 2021, les stimulants étaient la classe de drogues la plus courante dans les surdoses de fentanyl dans tous les États des États-Unis. L’augmentation du nombre de décès liés à la cocaïne et à la méthamphétamine doit être comprise dans le contexte d’un marché des drogues dominé par les fentanyls illicites, qui ont rendu la polyconsommation plus recherchée et plus courante. L’usage simultané généralisé de fentanyl et de stimulants, ainsi que d’autres associations de substances, présente de nouveaux risques pour la santé et pose des défis en matière de santé publique.
Lien vers l’article original : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/add.16318